Quelques réflexions par le Dr Jacques Vigne
ancien psychiatre, installé en Inde depuis douze ans pour la sadhana (pratique spirituelle)
On a beaucoup parlé de la révolution de l'Internet, pour le meilleur et pour le pire. Je livrerai ici quelques réflexions sur le sujet, du point de vue qui est le mien: celui d'un chercheur spirituel et méditant qui a été auparavant en Occident professionnel de la santé mentale. Nous envisagerons deux aspects de la question: d'abord, celui de la psychologie spirituelle, puis celui de la communication des enseignements spirituels entre cultures.
La première chose à voir clairement; c'est que le fonctionnement de l'Internet suit et imite de près celui du mental. Les deux sont basés sur des associations, des liens. C'est pourquoi l'Internet a le pouvoir de rendre les gens rapidement dépendants, comme une sorte de drogue. Au contraire, la méditation coupe régulièrement les associations automatiques pour laisser la place à la présence authentique. Elle désintoxique du parasitage continu du mental, cette machine à faire des associations. Celui-ci a une tendance à l'extériorisation qu'on appelle en psychologie du yoga 'avritti'; la méditation inverse ce processus et correspond à une intériorisation, 'nivritti'. Le mental est comme une araignée qui va chercher les insectes à différents endroits de sa toile; de même qu'un agent intelligent (webcrawler) va chercher des informations sur le Net; la méditation nettoie les insectes, la toile et l'araignée. C'est l'arrêt de l'idéation automatique, des concepts et opinions erronées et même, chez des méditants avancés, des vaguelettes de sensations, rendant possible un aperçu du fond du lac, c'est à dire le Soi.
Une forme de psychose, c'est la schizophrénie, de 'schizo' qui signifie 'di visé' et 'phren' ; l'esprit. Cela veut dire que l'esprit est à la fois coupé du monde extérieur et divisé contre lui-même ; mais il existe une autre forme de psychose qu'on pourrait appeler 'interphrénie', où l'individu s'épuise à force d'être trop relié. La tendance vers l'extérieur est au maximum, c'est une sorte d'hémorragie qui suce le sang de la vie intérieure. En fait, même dans la recherche scientifique, associer n'est pas le tout, on a besoin d'avoir un fil directeur, sans cela on est perdu. Cette loi est encore plus valable en ce qui concerne la vie intérieure. Le mental d'une personne ordinaire est comme la lumière habituelle, celui d'un méditant expérimenté est comme un rayon laser, non seulement concentré, mais aussi cohérent avec lui-même. Il peut accomplir des miracles.
Du point de vue pratique, c'est la raison pour laquelle nous avons évité de mettre trop de liens à l'intérieur des textes même de ce site, nous avons laissé pour l'introduction. Une lecture spirituelle est basée sur la concentration et l'imprégnation d'un message - comme par osmose. Bien sûr, quand on recherche sa voie ou qu'on souhaite trouver des documents intéressants, il est normal d'aller ici ou là, mais c'est simplement une phase de début. Après, il faut être capable de ralentir singulièrement le rythme pour savourer intérieurement ce qu'on lit. A l'autre extrémité de l'évolution méditative, on peut abandonner en quelque sorte la concentration pour simplement observer l'esprit avec une 'attentivité non sélective' (choiceless awareness' comme disait Krishnamurti); mais le problème de cette méthode, c'est que peu sont réellement capables de la suivre, d'où le risque d'auto-illusion. De toutes façons, quelque soit le type de méthode que l'on suive, méditer signifie 'débrancher l'écran', non seulement des objets extérieurs, mais aussi du mental lui-même, et demeurer gaiement et sans souci dans son propre Soi.
L'Internet est un media puissant, et comme toute médicament efficace, il peut avoir des effets secondaires sérieux, le principal étant de renforcer la tendance à l'extériorisation de l'esprit. A notre époque en particulier, celui-ci est envahi d''informations inutiles, est en état d'embouteillage quasi-permanent --comme une boîte aux lettres électronique encombrée de messages inutiles. La façon radicale d'en finir avec cet encombrement, c'est de changer son adresse, c'est à dire de cesser son identification à l'ego. Les messages venant de l'extérieur vont rebondir avec la mention:'N'habite pas à l'adresse indiquée', et il vont diminuer progressivement.
Il est intéressant de noter que l'Internet nous renvoie à un des messages fondamentaux de la philosophie de l'Inde: ce que nous appelons la réalité objective est bien plus virtuelle que ce que nous croyons; et le mental aime à se plonger dans ce virtuel tant qu'il y trouve du plaisir. On en arrive ainsi logiquement à la constatation que la véritable source de dépendance, c'est le mental lui-même, et que tout découle donc de sa connaissance et de sa maîtrise. C'est la question fondamentale du cheminement spirituel depuis l'époque des Upanishads : si le mental voit le monde à la fois extérieur et intérieur, quel est ce 'cela' qui voit le mental? Quel est ce 'cela' qui peut voir l’œil sans yeux? Quel est ce 'cela' qui peut écouter l'oreille sans oreille?
Si nous abandonnons maintenant le champ de la psychologie et que nous nous tournons vers celui de l'histoire religieuse et spirituelle de l'humanité, l'Internet est certainement une grande chance. Il suffit de réaliser que l'intolérance -par exemple celle du Christianisme au Moyen-Age- s'est manifesté par le contrôle des écrits. Il est non seulement tragique, mais aussi symbolique que les 'hérétiques' qui proposaient des idées nouvelles aient été brûlés en même temps que leurs livres. C'étaient les clercs et les moines qui avaient la structure matérielle pour copier les manuscrits et qui avaient donc le pouvoir de transmettre la culture de leur choix. Quand l'imprimerie a été découverte, chacun a pu avoir sa Bible, la lire et réfléchir directement sur elle; les Églises réformées ont pu se développer et mettre au défi le monopole religieux de Rome. Je vois le développement de la littérature religieuse et spirituelle sur l'Internet comme un autre grand pas en avant pour mettre au défi les monopoles religieux de grandes institutions ou ceux commerciaux d'éditeurs, et ainsi de favoriser un pluralisme réel.
Rome a conquis la Grèce et Israël militairement, mais s'est fait conquérir par eux sur le plan philosophique et religieux. De même, il est possible que l'Occident qui domine le monde économiquement de nos jours soit conquis par des formes spirituelles et religieuses d'origine orientale; le processus sera certainement plus complexe que ne l'est ce schéma, il y a déjà et il y aura probablement de multiples échanges à double sens, mais cette possibilité mérite d'être prise au sérieux.
Pour prendre notre propre exemple actuellement, nous mettons la plus grande partie de la littérature à propos de Ma Anandamayi (elle même n'a rien écrit) sur Internet, et elle devient donc disponible pour le public mondial, tout cela pour un coût extrêmement minime. Cette possibilité était impensable il y a seulement quelques années. Elle va favoriser un contact direct des chercheurs spirituels avec les livres-sources, de différents groupes et enseignements, ils pourront se faire une idée par eux-même et choisir le chemin qui leur convient réellement de façon plus indépendante. Il est tout à fait compréhensible qu'un éditeur ait envie de rentrer dans ses frais quand il publie un ouvrage, et même qu'il souhaite en retirer un certain bénéfice, mais cela limite plus qu'on ne pense le choix de textes possibles, et restreint, ne serait-ce qu'inconsciemment, les possibilités d'auteurs par ailleurs de bonne volonté. Pour parler de façon directe, cela tend à éliminer les écrits trop bons pour plaire au grand public.
Si malgré tout un mouvement religieux veut publier des écrits mystiques non 'rentables', il doit investir des fonds dans cette entreprise et donc rentrer dans une sorte de cercle vicieux de collecte d'argent tout d'abord pour cela, et de propagande ensuite pour malgré tout écouler son stock d'ouvrages; finalement, il développe les travers habituels de tout organisation missionnaire de qualité moyenne. L'Internet a la capacité de résoudre en partie ce problème. La question de la surabondance de textes de mauvaise qualité sur le Net se pose, mais elle peut être résolue par la création de sorte de comités éditoriaux de personnalités bien connues et respectées dans leur tradition ou ligne spirituelle et qui font une sélection des meilleurs textes à proposer au public, de même qu'un éditeur choisit les manuscrits qu'il propose à son public, mais sans les contraintes financières, et c'est en soi un grand progrès. Dans l'histoire religieuse de l'Occident, l'équilibre entre les mystique individuels et l’Église a été perdu à partir du XIIIe quand les ermites se sont vu progressivement retirer le droit d’enseigner au peuple, et que la hiérarchie habituelle s'est de plus en plus arrogé ce pouvoir. En Inde, grâce à l'indépendance du gourou, le mystique individuelle a conservé et même développé ses droits. De nos jours au niveau mondial, en particulier grâce à l'Internet, cette communication entre enseignants spirituels et aspirants disciples peut être rétablie plus facilement, mais avec deux réserves:
D'une part, la communication rapide des informations peut aussi jouer en sens inverse, c'est à dire renforcer la centralisation et l'emprise des 'multinationales du religieux'. D'autre part, quand la relation d'enseignement spirituel devient un tant soit peu sérieuse, elle nécessite un contact direct entre maître et disciple, de même qu'il faut un contact direct entre le papier de verre et la pierre qu'on veut polir si l'on souhaite un quelconque résultat.
Quand on étudie l'histoire de la spiritualité, on y trouve des mises en garde régulières contre le danger de la connaissance livresque, sans l'expérience spirituelle qui devrait normalement l'accompagner et le contact fécondant d'un maître. Les livres ou manuscrits représentaient la réalité virtuelle de l'époque; de toutes façons encore maintenant les informations sur la spiritualité transmise par l'Internet le sont principalement sous forme de textes. Ces mises en gardes sont encore plus importantes de nos jours où la quantité d'informations disponibles s'accroît vertigineusement. Plus d'information signifie plus de confusion, d'où l'insistance renouvelée sur le développement d'une relation réelle avec des, ou même seulement un ami spirituel réel, pour reprendre ce terme (kalyan mitra) qui désigne le maître dans la tradition du bouddhisme ancien. Le livre ou l'écran d'ordinateur qui sert de canal de communication peut aussi à partir d'un certain point devenir un écran au sens 'obstacle' du terme, un bouclier protecteur par rapport à une relation qui risque de remettre en cause l'égo de l'aspirant disciple.
Cependant, lire un texte spirituel, par exemple des entretiens avec un sage est une forme d'association avec lui, même s'il est mort depuis longtemps ou qu'il habite à l'autre bout du monde, et on en retirera un profit certain; on dit qu'un bon livre vaut mieux qu'un mauvais gourou, c'est bien pour cela que les personnes spirituelles continuent de publier de bon livres, et aussi à partir de maintenant, créent de bon sites sur l'Internet....
http://www.jacquesvigne.com/
On a beaucoup parlé de la révolution de l'Internet, pour le meilleur et pour le pire. Je livrerai ici quelques réflexions sur le sujet, du point de vue qui est le mien: celui d'un chercheur spirituel et méditant qui a été auparavant en Occident professionnel de la santé mentale. Nous envisagerons deux aspects de la question: d'abord, celui de la psychologie spirituelle, puis celui de la communication des enseignements spirituels entre cultures.
La première chose à voir clairement; c'est que le fonctionnement de l'Internet suit et imite de près celui du mental. Les deux sont basés sur des associations, des liens. C'est pourquoi l'Internet a le pouvoir de rendre les gens rapidement dépendants, comme une sorte de drogue. Au contraire, la méditation coupe régulièrement les associations automatiques pour laisser la place à la présence authentique. Elle désintoxique du parasitage continu du mental, cette machine à faire des associations. Celui-ci a une tendance à l'extériorisation qu'on appelle en psychologie du yoga 'avritti'; la méditation inverse ce processus et correspond à une intériorisation, 'nivritti'. Le mental est comme une araignée qui va chercher les insectes à différents endroits de sa toile; de même qu'un agent intelligent (webcrawler) va chercher des informations sur le Net; la méditation nettoie les insectes, la toile et l'araignée. C'est l'arrêt de l'idéation automatique, des concepts et opinions erronées et même, chez des méditants avancés, des vaguelettes de sensations, rendant possible un aperçu du fond du lac, c'est à dire le Soi.
Une forme de psychose, c'est la schizophrénie, de 'schizo' qui signifie 'di visé' et 'phren' ; l'esprit. Cela veut dire que l'esprit est à la fois coupé du monde extérieur et divisé contre lui-même ; mais il existe une autre forme de psychose qu'on pourrait appeler 'interphrénie', où l'individu s'épuise à force d'être trop relié. La tendance vers l'extérieur est au maximum, c'est une sorte d'hémorragie qui suce le sang de la vie intérieure. En fait, même dans la recherche scientifique, associer n'est pas le tout, on a besoin d'avoir un fil directeur, sans cela on est perdu. Cette loi est encore plus valable en ce qui concerne la vie intérieure. Le mental d'une personne ordinaire est comme la lumière habituelle, celui d'un méditant expérimenté est comme un rayon laser, non seulement concentré, mais aussi cohérent avec lui-même. Il peut accomplir des miracles.
Du point de vue pratique, c'est la raison pour laquelle nous avons évité de mettre trop de liens à l'intérieur des textes même de ce site, nous avons laissé pour l'introduction. Une lecture spirituelle est basée sur la concentration et l'imprégnation d'un message - comme par osmose. Bien sûr, quand on recherche sa voie ou qu'on souhaite trouver des documents intéressants, il est normal d'aller ici ou là, mais c'est simplement une phase de début. Après, il faut être capable de ralentir singulièrement le rythme pour savourer intérieurement ce qu'on lit. A l'autre extrémité de l'évolution méditative, on peut abandonner en quelque sorte la concentration pour simplement observer l'esprit avec une 'attentivité non sélective' (choiceless awareness' comme disait Krishnamurti); mais le problème de cette méthode, c'est que peu sont réellement capables de la suivre, d'où le risque d'auto-illusion. De toutes façons, quelque soit le type de méthode que l'on suive, méditer signifie 'débrancher l'écran', non seulement des objets extérieurs, mais aussi du mental lui-même, et demeurer gaiement et sans souci dans son propre Soi.
L'Internet est un media puissant, et comme toute médicament efficace, il peut avoir des effets secondaires sérieux, le principal étant de renforcer la tendance à l'extériorisation de l'esprit. A notre époque en particulier, celui-ci est envahi d''informations inutiles, est en état d'embouteillage quasi-permanent --comme une boîte aux lettres électronique encombrée de messages inutiles. La façon radicale d'en finir avec cet encombrement, c'est de changer son adresse, c'est à dire de cesser son identification à l'ego. Les messages venant de l'extérieur vont rebondir avec la mention:'N'habite pas à l'adresse indiquée', et il vont diminuer progressivement.
Il est intéressant de noter que l'Internet nous renvoie à un des messages fondamentaux de la philosophie de l'Inde: ce que nous appelons la réalité objective est bien plus virtuelle que ce que nous croyons; et le mental aime à se plonger dans ce virtuel tant qu'il y trouve du plaisir. On en arrive ainsi logiquement à la constatation que la véritable source de dépendance, c'est le mental lui-même, et que tout découle donc de sa connaissance et de sa maîtrise. C'est la question fondamentale du cheminement spirituel depuis l'époque des Upanishads : si le mental voit le monde à la fois extérieur et intérieur, quel est ce 'cela' qui voit le mental? Quel est ce 'cela' qui peut voir l’œil sans yeux? Quel est ce 'cela' qui peut écouter l'oreille sans oreille?
Si nous abandonnons maintenant le champ de la psychologie et que nous nous tournons vers celui de l'histoire religieuse et spirituelle de l'humanité, l'Internet est certainement une grande chance. Il suffit de réaliser que l'intolérance -par exemple celle du Christianisme au Moyen-Age- s'est manifesté par le contrôle des écrits. Il est non seulement tragique, mais aussi symbolique que les 'hérétiques' qui proposaient des idées nouvelles aient été brûlés en même temps que leurs livres. C'étaient les clercs et les moines qui avaient la structure matérielle pour copier les manuscrits et qui avaient donc le pouvoir de transmettre la culture de leur choix. Quand l'imprimerie a été découverte, chacun a pu avoir sa Bible, la lire et réfléchir directement sur elle; les Églises réformées ont pu se développer et mettre au défi le monopole religieux de Rome. Je vois le développement de la littérature religieuse et spirituelle sur l'Internet comme un autre grand pas en avant pour mettre au défi les monopoles religieux de grandes institutions ou ceux commerciaux d'éditeurs, et ainsi de favoriser un pluralisme réel.
Rome a conquis la Grèce et Israël militairement, mais s'est fait conquérir par eux sur le plan philosophique et religieux. De même, il est possible que l'Occident qui domine le monde économiquement de nos jours soit conquis par des formes spirituelles et religieuses d'origine orientale; le processus sera certainement plus complexe que ne l'est ce schéma, il y a déjà et il y aura probablement de multiples échanges à double sens, mais cette possibilité mérite d'être prise au sérieux.
Pour prendre notre propre exemple actuellement, nous mettons la plus grande partie de la littérature à propos de Ma Anandamayi (elle même n'a rien écrit) sur Internet, et elle devient donc disponible pour le public mondial, tout cela pour un coût extrêmement minime. Cette possibilité était impensable il y a seulement quelques années. Elle va favoriser un contact direct des chercheurs spirituels avec les livres-sources, de différents groupes et enseignements, ils pourront se faire une idée par eux-même et choisir le chemin qui leur convient réellement de façon plus indépendante. Il est tout à fait compréhensible qu'un éditeur ait envie de rentrer dans ses frais quand il publie un ouvrage, et même qu'il souhaite en retirer un certain bénéfice, mais cela limite plus qu'on ne pense le choix de textes possibles, et restreint, ne serait-ce qu'inconsciemment, les possibilités d'auteurs par ailleurs de bonne volonté. Pour parler de façon directe, cela tend à éliminer les écrits trop bons pour plaire au grand public.
Si malgré tout un mouvement religieux veut publier des écrits mystiques non 'rentables', il doit investir des fonds dans cette entreprise et donc rentrer dans une sorte de cercle vicieux de collecte d'argent tout d'abord pour cela, et de propagande ensuite pour malgré tout écouler son stock d'ouvrages; finalement, il développe les travers habituels de tout organisation missionnaire de qualité moyenne. L'Internet a la capacité de résoudre en partie ce problème. La question de la surabondance de textes de mauvaise qualité sur le Net se pose, mais elle peut être résolue par la création de sorte de comités éditoriaux de personnalités bien connues et respectées dans leur tradition ou ligne spirituelle et qui font une sélection des meilleurs textes à proposer au public, de même qu'un éditeur choisit les manuscrits qu'il propose à son public, mais sans les contraintes financières, et c'est en soi un grand progrès. Dans l'histoire religieuse de l'Occident, l'équilibre entre les mystique individuels et l’Église a été perdu à partir du XIIIe quand les ermites se sont vu progressivement retirer le droit d’enseigner au peuple, et que la hiérarchie habituelle s'est de plus en plus arrogé ce pouvoir. En Inde, grâce à l'indépendance du gourou, le mystique individuelle a conservé et même développé ses droits. De nos jours au niveau mondial, en particulier grâce à l'Internet, cette communication entre enseignants spirituels et aspirants disciples peut être rétablie plus facilement, mais avec deux réserves:
D'une part, la communication rapide des informations peut aussi jouer en sens inverse, c'est à dire renforcer la centralisation et l'emprise des 'multinationales du religieux'. D'autre part, quand la relation d'enseignement spirituel devient un tant soit peu sérieuse, elle nécessite un contact direct entre maître et disciple, de même qu'il faut un contact direct entre le papier de verre et la pierre qu'on veut polir si l'on souhaite un quelconque résultat.
Quand on étudie l'histoire de la spiritualité, on y trouve des mises en garde régulières contre le danger de la connaissance livresque, sans l'expérience spirituelle qui devrait normalement l'accompagner et le contact fécondant d'un maître. Les livres ou manuscrits représentaient la réalité virtuelle de l'époque; de toutes façons encore maintenant les informations sur la spiritualité transmise par l'Internet le sont principalement sous forme de textes. Ces mises en gardes sont encore plus importantes de nos jours où la quantité d'informations disponibles s'accroît vertigineusement. Plus d'information signifie plus de confusion, d'où l'insistance renouvelée sur le développement d'une relation réelle avec des, ou même seulement un ami spirituel réel, pour reprendre ce terme (kalyan mitra) qui désigne le maître dans la tradition du bouddhisme ancien. Le livre ou l'écran d'ordinateur qui sert de canal de communication peut aussi à partir d'un certain point devenir un écran au sens 'obstacle' du terme, un bouclier protecteur par rapport à une relation qui risque de remettre en cause l'égo de l'aspirant disciple.
Cependant, lire un texte spirituel, par exemple des entretiens avec un sage est une forme d'association avec lui, même s'il est mort depuis longtemps ou qu'il habite à l'autre bout du monde, et on en retirera un profit certain; on dit qu'un bon livre vaut mieux qu'un mauvais gourou, c'est bien pour cela que les personnes spirituelles continuent de publier de bon livres, et aussi à partir de maintenant, créent de bon sites sur l'Internet....
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