« L’initiation c’est apprendre comment recevoir »
Swâmi Prajnânpad - HINDOUISME
On entend souvent parler d’initiation dans de multiples domaines, mais cela est limité au simple niveau social ou professionnel. La tradition ésotérique de tous les peuples a toujours parlé de l’Initiation comme d’un chemin menant à une connaissance illimitée de l’homme et de l’univers. Grâce aux paroles de sagesse des Maîtres passés, partez à la découverte de ce mystérieux sentier…
Qu’est-ce que l’Initiation ?
Conférée par un Maître ou un groupe de Maîtres, l’Initiation ouvre la porte de la compréhension ésotérique et insère le candidat dans une chaîne traditionnelle. L’Initiation n’est pas un sacrement qui confère une grâce spéciale ou l’accès à un état spirituel supérieur. Rite simple ou élaboré, le plus souvent tenu secret, elle place le candidat dans des conditions propres à sa transformation. C’est une mise en situation qui provoque un mouvement paradoxal, où s’amorcent simultanément la dislocation de l’identité quotidienne et un départ vers une recréation de soi, à la fois déroute et mise en route, mort et renaissance, source d’angoisse et d’énergie.
L’initié reçoit l’Initiation. Mais avant de lui donner un sens, avant d’en devenir acteur, il doit faire confiance au Maître qu’il s’est choisi, car il ne sait pas encore ce qu’il cherche. Il n’est plus une chenille mais pas encore un papillon. Il doit s’en remettre au Maître « en adorant ses pieds » disent l’hindouisme et le bouddhisme, « comme un mort entre les mains d’un laveur » renchérit le soufisme. Confiance ne veut pas dire soumission aveugle mais ouverture et réceptivité.
Les implications de l’Initiation
« L’initiation c’est apprendre
comment recevoir »
Swâmi Prajnânpad - HINDOUISME
Pour recevoir il faut aussi avoir confiance en soi. Apprendre à recevoir, c’est accepter d’expérimenter et de vérifier par soi-même l’enseignement du Maître. On est initié, mais on s’initie aussi soi-même. S’initier, c’est suivre un chemin qui sera long, semé d’écueils et d’impasses, sujet au découragement. C’est pourquoi il est comparé au travail de la pierre, à un combat ou à un labyrinthe. S’il accepte de ne pas s’identifier à son apparence physique ou à son être social, l’initié a plus de mal à mettre en question la réalité de son moi intérieur, de sa personnalité qu’il estime originale et stable, de sa conscience qu’il croit libre. Invité à porter un regard lucide sur ses opinions et ses valeurs, cherchant honnêtement d’où elles lui viennent, il lui faut reconnaître que ce qu’il considère comme sa pensée personnelle est un ensemble d’idées inculquées par l’éducation, distillées par la société, inspirées par des lectures ou des rencontres, qu’il a, dans le meilleur des cas, triées et reliées entre elles. Avec cet aveu, il s’imagine avoir acquis un grand discernement sur lui-même.
L’épreuve du doute :
la phase de la Terre
« Savoir que le savoir peut ne pas savoir
demeure le plus haut savoir »
Tchouang-Tseu - TAOISME
Pour aller plus loin dans le doute, l’aide du Maître est nécessaire. Car il n’est pas facile de découvrir ce qui nous conditionne à notre insu. L’initié devra déterrer les affects et les blessures refoulés depuis son enfance, hérités du vécu de ses parents et de son peuple. Il devra mettre au jour le vieil enfant qui le fait fonctionner sur le mode du « j’aime » et du « je n’aime pas ». Il devra réaliser que ses désirs, ses émotions, son inconscient, constituent un ensemble de facteurs qui l’empêchent de poser des actes libres, de vivre dans le moment présent et en harmonie avec autrui. Même s’il accepte les ténèbres qui l’habitent l’initié se réfugie souvent dans son dernier retranchement : sa raison qu’il estime capable d’indépendance et d’objectivité.
Pour toutes les traditions, le doute le plus difficile à pratiquer est celui qui porte sur la raison. C’est un doute qui doit amener l’initié à découvrir que ses jugements sont commandés par ses émotions, qu’ils ne prennent pas en compte tous les aspects d’une question, que ses certitudes ne sont souvent que des préjugés, que sa raison ne peut rendre compte de certaines réalités intérieures : son inconscient ou son être profond qu’on a appelé le Soi. Dès lors, sur la Voie, le meilleur usage qu’il puisse faire de la raison est de l’utiliser pour en voir les limites et réaliser qu’elle est inapte à le transformer spirituellement si elle est détachée de l’expérience. Pour y arriver, il est parfois nécessaire qu’un choc extérieur vienne ébranler cette raison qui a une propension à rejeter ce qu’elle ne peut dominer et à se réintroduire dans le mental qui tente de l’évacuer.
La dissolution du moi :
la phase de l’Eau
« L’amour de l’ego
est la plus grande des idoles.
D’elle procède toutes les autres.
Elle est l’idole la plus difficile à briser »
Nasrafî - SOUFISME
« Qui suis-je alors ? Où est ma réalité ? » se demande l’initié. Il a l’intuition que derrière l’ego, qui se prend pour un absolu, se dissimule sa véritable nature, celle qui lui permet de dire : « Je ne suis pas ceci ou cela ». Il a en quelque sorte découvert le Soi par l’absurde. Il le sent à la fois proche et lointain. Proche, parce qu’il pressent que sa vérité se trouve en lui-même ; lointain car, s’il est sorti de l’illusion, il ne s’est pas pour autant dégagé de son mode de fonctionnement profane. L’initié va être hanté par l’angoisse de n’être plus rien ni plus personne s’il doit se détacher des rôles, des émotions, des défauts ou de la souffrance auxquels il s’identifie. Pour pressentir que l’abandon de l’ego n’est pas une perte mais l’ouverture à un mode d’être plus heureux et plus efficace, le débutant a besoin de beaucoup de lucidité. Et de beaucoup de confiance. Dans la Voie, on avance en doutant de soi, mais on recule si on doute du chemin.
L’initié a pris conscience de ses illusions, mais pratiquement il ne sait comment les dépasser. Pour procéder au travail d’autotransformation, il a besoin que son Maître lui donne des outils et lui apprenne leur maniement.
Les traditions proposent deux méthodes pour se purifier de l’agitation émotionnelle et des constructions mentales, pour s’exercer progressivement à la non-dualité : la méditation et la vigilance.
La Méditation et la maîtrise du souffle
« Dans l’immobilité
réside le mouvement,
dans le mouvement, l’immobilité »
Song Shuming - Maître de TAÎCHI
La méditation se présente comme une méthode de pacification et de stabilisation du mental, de réunification du corps et de l’esprit. Elle se concrétise dans de nombreuses techniques. Le pratiquant adopte une position immobile, ni forcée, ni relâchée, qui dénoue les tensions corporelles et dont les formes sont variées : debout, assis en lotus, à genoux, couché sur le côté, enroulé avec la tête entre les genoux...
Mais il peut aussi exécuter un mouvement codifié. Le taoïsme pratique une espèce de danse, composée de trois pas sautillants (dans une variante, les pieds sont placés en équerre), pour suivre, jusqu’à son centre, un parcours labyrinthique. La danse des derviches, qui décrit une spirale autour d’un point, figure le déploiement du cosmos à partir du Principe, ainsi que, comme d’autres circumbulations, la quête du centre opérée par l’initié. Pour son créateur Rûmî, les danseurs « ont au milieu d’eux leur propre Kaba » (maison en hébreu). La gnose chrétienne a aussi connu la danse sacrée. La kabbale la connaît encore. L’art martial du taïchi réalise l’union des contraires, de l’immobilité et du mouvement, du vide et du plein, du yin et du yang.
Le pratiquant doit aussi se situer à l’intérieur de son corps, sortir de la dualité extérieur-intérieur, se concentrer sur chaque vertèbre, sur les muscles qu’on relâche un à un, sur les viscères et surtout sur la respiration. La maîtrise de la respiration est essentielle dans toutes les techniques ésotériques. Le profane respire mal, avec le haut des poumons, et irrégulièrement, car son souffle se modifie en fonction de ses émotions ou de sa tension mentale. Le pratiquant apprend à avoir une respiration consciente, régulière, profonde et la plus lente possible. Celle-ci s’effectue en trois temps : l’expiration qui exige de s’appliquer à se débarrasser totalement, depuis l’abdomen, de l’air vicié ; l’inspiration qui ne demande pas d’effort, c’est un réflexe naturel ; l’apnée qui nécessite un apprentissage contrôlé pour être allongée sans danger. C’est « l’arrêt compté », la rétention du souffle qui s’écoule et circule alors dans le corps, la diffusion de l’énergie dont se nourrissent tous les organes.
Cet « art du souffle » est à la base du yoga et des arts martiaux. Il symbolise le travail de l’initié qui expire son ego pour se remplir de l’esprit.
Quand il habite la posture et la respiration sans effort, quand il a conscience de son corps sans y penser, quand il « est » son corps, l’initié fait l’expérience de l’unité.
Sophie Pérenne (Editions Accarias l’Originel )
« Savoir que le savoir peut ne pas savoir
demeure le plus haut savoir »
Tchouang-Tseu - TAOISME
Pour aller plus loin dans le doute, l’aide du Maître est nécessaire. Car il n’est pas facile de découvrir ce qui nous conditionne à notre insu. L’initié devra déterrer les affects et les blessures refoulés depuis son enfance, hérités du vécu de ses parents et de son peuple. Il devra mettre au jour le vieil enfant qui le fait fonctionner sur le mode du « j’aime » et du « je n’aime pas ». Il devra réaliser que ses désirs, ses émotions, son inconscient, constituent un ensemble de facteurs qui l’empêchent de poser des actes libres, de vivre dans le moment présent et en harmonie avec autrui. Même s’il accepte les ténèbres qui l’habitent l’initié se réfugie souvent dans son dernier retranchement : sa raison qu’il estime capable d’indépendance et d’objectivité.
Pour toutes les traditions, le doute le plus difficile à pratiquer est celui qui porte sur la raison. C’est un doute qui doit amener l’initié à découvrir que ses jugements sont commandés par ses émotions, qu’ils ne prennent pas en compte tous les aspects d’une question, que ses certitudes ne sont souvent que des préjugés, que sa raison ne peut rendre compte de certaines réalités intérieures : son inconscient ou son être profond qu’on a appelé le Soi. Dès lors, sur la Voie, le meilleur usage qu’il puisse faire de la raison est de l’utiliser pour en voir les limites et réaliser qu’elle est inapte à le transformer spirituellement si elle est détachée de l’expérience. Pour y arriver, il est parfois nécessaire qu’un choc extérieur vienne ébranler cette raison qui a une propension à rejeter ce qu’elle ne peut dominer et à se réintroduire dans le mental qui tente de l’évacuer.
La dissolution du moi :
la phase de l’Eau
« L’amour de l’ego
est la plus grande des idoles.
D’elle procède toutes les autres.
Elle est l’idole la plus difficile à briser »
Nasrafî - SOUFISME
« Qui suis-je alors ? Où est ma réalité ? » se demande l’initié. Il a l’intuition que derrière l’ego, qui se prend pour un absolu, se dissimule sa véritable nature, celle qui lui permet de dire : « Je ne suis pas ceci ou cela ». Il a en quelque sorte découvert le Soi par l’absurde. Il le sent à la fois proche et lointain. Proche, parce qu’il pressent que sa vérité se trouve en lui-même ; lointain car, s’il est sorti de l’illusion, il ne s’est pas pour autant dégagé de son mode de fonctionnement profane. L’initié va être hanté par l’angoisse de n’être plus rien ni plus personne s’il doit se détacher des rôles, des émotions, des défauts ou de la souffrance auxquels il s’identifie. Pour pressentir que l’abandon de l’ego n’est pas une perte mais l’ouverture à un mode d’être plus heureux et plus efficace, le débutant a besoin de beaucoup de lucidité. Et de beaucoup de confiance. Dans la Voie, on avance en doutant de soi, mais on recule si on doute du chemin.
L’initié a pris conscience de ses illusions, mais pratiquement il ne sait comment les dépasser. Pour procéder au travail d’autotransformation, il a besoin que son Maître lui donne des outils et lui apprenne leur maniement.
Les traditions proposent deux méthodes pour se purifier de l’agitation émotionnelle et des constructions mentales, pour s’exercer progressivement à la non-dualité : la méditation et la vigilance.
La Méditation et la maîtrise du souffle
« Dans l’immobilité
réside le mouvement,
dans le mouvement, l’immobilité »
Song Shuming - Maître de TAÎCHI
La méditation se présente comme une méthode de pacification et de stabilisation du mental, de réunification du corps et de l’esprit. Elle se concrétise dans de nombreuses techniques. Le pratiquant adopte une position immobile, ni forcée, ni relâchée, qui dénoue les tensions corporelles et dont les formes sont variées : debout, assis en lotus, à genoux, couché sur le côté, enroulé avec la tête entre les genoux...
Mais il peut aussi exécuter un mouvement codifié. Le taoïsme pratique une espèce de danse, composée de trois pas sautillants (dans une variante, les pieds sont placés en équerre), pour suivre, jusqu’à son centre, un parcours labyrinthique. La danse des derviches, qui décrit une spirale autour d’un point, figure le déploiement du cosmos à partir du Principe, ainsi que, comme d’autres circumbulations, la quête du centre opérée par l’initié. Pour son créateur Rûmî, les danseurs « ont au milieu d’eux leur propre Kaba » (maison en hébreu). La gnose chrétienne a aussi connu la danse sacrée. La kabbale la connaît encore. L’art martial du taïchi réalise l’union des contraires, de l’immobilité et du mouvement, du vide et du plein, du yin et du yang.
Le pratiquant doit aussi se situer à l’intérieur de son corps, sortir de la dualité extérieur-intérieur, se concentrer sur chaque vertèbre, sur les muscles qu’on relâche un à un, sur les viscères et surtout sur la respiration. La maîtrise de la respiration est essentielle dans toutes les techniques ésotériques. Le profane respire mal, avec le haut des poumons, et irrégulièrement, car son souffle se modifie en fonction de ses émotions ou de sa tension mentale. Le pratiquant apprend à avoir une respiration consciente, régulière, profonde et la plus lente possible. Celle-ci s’effectue en trois temps : l’expiration qui exige de s’appliquer à se débarrasser totalement, depuis l’abdomen, de l’air vicié ; l’inspiration qui ne demande pas d’effort, c’est un réflexe naturel ; l’apnée qui nécessite un apprentissage contrôlé pour être allongée sans danger. C’est « l’arrêt compté », la rétention du souffle qui s’écoule et circule alors dans le corps, la diffusion de l’énergie dont se nourrissent tous les organes.
Cet « art du souffle » est à la base du yoga et des arts martiaux. Il symbolise le travail de l’initié qui expire son ego pour se remplir de l’esprit.
Quand il habite la posture et la respiration sans effort, quand il a conscience de son corps sans y penser, quand il « est » son corps, l’initié fait l’expérience de l’unité.
Sophie Pérenne (Editions Accarias l’Originel )
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