On considère ordinairement que la souffrance résulte de la maladie, mais du point de vue du Zen comme de la médecine chinoise, elle peut aussi en être la cause.
Par Michel Champeau
Guérir l’esprit ?
Un des aspects les plus intéressants en médecine chinoise traditionnelle réside dans l’étude des relations entre le corps et l’esprit. Maître Deshimaru parlait souvent de l’unité du corps esprit en zazen.
En chinois, le caractère shen désigne à la fois l’esprit et l’énergie. C’est cette énergie, lorsqu’elle manifeste la vitalité, qui se traduira dans l’apparence par de l’« éclat ». Par exemple, un regard vivace, plein de vitalité, mais aussi un beau légume bien frais. Cela peut s’appliquer à tout ce qui est vivant.
Le caractère xin peut être le coeur mais aussi - et là on est tout à fait au coeur du sujet -, en médecine chinoise, la pensée, l’esprit, et cela inclut tout ce qui est d’ordre sentimental et émotionnel.
Xin shen : le coeur-esprit, l’esprit qui siège dans le coeur. Les Anciens considéraient que le coeur était le siège de ces fonctions où se mêlent intimement l’intellect et l’affectif. N’est-ce pas une des données fondamentales de notre condition, que la civilisation chinoise avait eu la sagesse de reconnaître en des temps anciens ? (Cette sagesse semble malheureusement très délaissée dans la Chine d’aujourd’hui.) En médecine, le coeur est aussi le « maître de la pensée et des émotions ». Ce qui implique directement qu’il peut aussi bien en être affecté.
Si le coeur est directement concerné, en tant qu’organe central, par tout ce qui émane de la conscience ou de l’esprit il n’est cependant pas le seul. Chacun des cinq zang’, ou organes principaux, « organes maîtres » de nature yin, détient des composants de notre psychisme.(Les cinq zang foie, coeur, rate, poumons reins.)
Pour en rester au niveau des émotions, des relations sont établies entre celles-ci, regroupées par similitude en cinq grandes familles, et les cinq zang.
C’est ainsi que sont en quelque sorte codifiées les relations entre le corps et l’esprit en médecine chinoise traditionnelle. Cela peut sembler un peu schématique au premier abord, mais on peut aussi trouver dans cette base d’analyse un grand nombre d’informations parfois difficiles à décrypter. Et il faut également pour s’en sortir faire appel à sa sensibilité, à une compréhension intime pour laquelle zazen peut apporter énormément.
Par exemple : la pensée, la réflexion, les soucis, les pensées réminiscentes ou obsessionnelles, mais aussi le surmenage intellectuel, le manque de sommeil.... avec dans tout cela une composante d’excès, peuvent affecter la rate. Et lorsqu’on parle de rate, il s’agit d’un grand ensemble de fonctions physiologiques dont certains aspects seulement peuvent être concernés, selon les cas. Car chaque individu réagit selon ses particularités, sa constitution, selon son état à un moment donné. Cela pourra se manifester extérieurement par des signes sensibles, palpables (les pouls), ou visibles, qu’il est possible d’identifier. Mais attention, un seul indice ne sera jamais suffisant, et il faudra toujours remonter à l’origine pour trouver une explication cohérente à tout un ensemble de symptômes qui peuvent parfois revêtir une apparence contradictoire.
Ces relations entre différentes fonctions psychiques, les émotions, le coeur-esprit d’une part le corps physique, l’équilibre des organes internes et les fonctions qui leur sont propres d’autre part, sont évidemment réciproques. Une énergie trop faible au niveau de la rate pourra par exemple entraîner des problèmes de mémoire.
Dans le langage imagé du Zen, notre mental est comparé à un singe, animal agile mais agité et imprévisible. La médecine chinoise compare le coeur-esprit à un cheval. Il vaut mieux le surveiller de près car il peut facilement s’emporter, partir au galop. Et si c’est le cas, alors il est très difficile de l’arrêter. Le coeur est parmi les cinq zang celui dont l’aspect yang est proportionnellement le plus fort. Il est concerné par toutes les émotions.
La joie étant le type d’émotions plus particulièrement rattachées au coeur, la disposition idéal du point de vue de la médecin chinoise consisterait à être aisément satisfait, et à connaître une joie douce et harmonieuse… Sympa ?!
Quelles que soient les émotions qui nous traversent, elles devraient toujours rester modérées, tout pouvant affecter notre équilibre, voire aller vers la pathologie. Dans tout les actes quotidiens, aucune énergie ne devrait être déployée inconsidérément, rien au delà du strict nécessaire.
Une joie excessive ou une attitude trop fréquente qui induit cette émotion, conduit à un excès d’énergie yang au niveau du coeur. On peut alors observer de l’agitation, une difficulté à s’endormir, un pouls rapide, une langue rouge, ou bien d’autres signes encore... A un niveau pathologique, on parle de « feu du coeur ».
Voici un passage du premier livre du Nei Jing Su Wen, dont les premières traces historiques se rencontrent dans les Annales des Han (1siècle avant notre ère) : « Les Sages de la haute antiquité apprenaient à chacun à éviter à temps " les perversions d’épuisement et les vents pirates ", et à maintenir, par le calme et la concentration, leur souffle naturel dans la docilité, à bien contenir leur esprit à l’intérieur de telle sorte que les maladies soient sans prise. Grâce à la restriction des appétits et à la contention des velléités, le coeur demeure paisible et sans émoi, le corps travaille sans s’épuiser, le souffle suit un cours régulier et chacun d’eux est satisfait. » (Traduction A. Husson.)
Oubliée dans la Chine moderne, la posture de zazen n’est pas inconnue de la médecine chinoise traditionnelle, qui la classe dans le qi gong internes. Par opposition aux qi gong externes, ceux-là sont sans mouvements et censés occasionner un travail interne sur l’énergie. C’est pourquoi ils sont souvent agrémentés de visualisations des flux énergétiques. Mais le professeur Leung (un de la vieille école) recommandait de laisser tomber ces visualisations, précisément pour ne pas solliciter le mental et le laisser au contraire se mettre au repos le plus complet. Tout en apaisant le coeur et les émotions, par l’effet du souffle et de la posture, l’énergie vitale se régénère.
Alors, qu’est-ce que la santé ? Pourrait-on la définir à partir de ces éléments ? Y a-t-il un point de vue zen sur cette question ?
Tout le monde souhaiterait vivre longtemps, heureux, avec une bonne énergie, sans connaître la maladie, mais en même temps le réflexe le plus répandu serait aussi de bien en profiter, de connaître tous les plaisirs de la vie ; on est prêt à se « défoncer au boulot » pour gagner beaucoup, réussir... et griller la chandelle par les deux bouts. Bref, on voudrait tout avoir.
Sensei enseignait de se donner sans réserve pour un véritable idéal, au-delà de notre ego. La longévité, la santé, n’est plus alors un but en soi. Pourtant et cela c’est seulement la pratique qui peut le confirmer zazen est l’équilibre, le retour à la condition normale du corps et de l’esprit, disait Sensei. Mais zazen est aussi au-delà de la santé et ne peut compter la recherche de nos satisfactions personnelles. « S’oublier soi-même », « rejeter le corps et l’esprit »…
Si la santé n 'est pas en soi un objectif suffisant, elle est cependant nécessaire, pour pouvoir continuer. Cela aussi, Sensei l’a toujours dit. On se souvient à ce propos, des « nouveaux préceptes » qu’il voulait enseigner, peu de temps avant de nous quitter. Parmi ceux-ci, il y avait : « Travailler pendant la journée et dormir la nuit. » L’idée est très simple, n’est-ce pas ? Très yin-yang aussi.
La médecine chinoise traditionnelle est pour une large part fondée sur l’expérience. L’expérience de données accumulées et complétées sur plusieurs millénaires, mais aussi l’expérience humaine, l’expérience de la vie, ici et maintenant fondée sur des qualités de sensibilité et d’intuition. Sur bien des points, l’expérience de zazen peut aider à comprendre et à approfondir des assertions de la médecine chinoise comme celles se rapportant aux relations du coeur, du mental et des fonctions physiologiques dont on a un peu parlé.
Sans une expérience de toutes les dimensions de l’existence, incluant la référence de zazen, il n’y aurait là qu’une liste interminable de connaissances sans grand intérêt.
Sur la question de la santé, une comparaison du Zen et de la médecine chinoise traditionnelle serait du type : racine = pratique, branches = connaissances.
On peut en faire le petit schéma de la page précédente (pourquoi pas ?), et ça donne une belle posture. Zazen est une racine dans notre vie. C’est la pratique qu’il faut réactualiser constamment. C’est la plus haute dimension de notre existence. Pour continuer zazen, il faut se maintenir en bonne santé. La médecine a pour préoccupation la santé. Ce sont des connaissances intéressantes et utiles. Elles peuvent fournir des moyens d’analyse pour une compréhension de nos mécanismes intimes, de notre équilibre, de nos déséquilibres.
Ces connaissances peuvent évidemment aboutir à des méthodes thérapeutiques dont la plus connue est l’acupuncture. Il y a aussi la pharmacopée, les massages, la diététique. Mais cela soulève un autre problème. Si on se pose la question de définir la santé et si on la conçoit en termes de soins et de guérison, alors il faudrait aussi définir la maladie.
En chinois moderne, biao signifie exactement : détail, et manifestation extérieure. Ben, c’est la racine, la fondation, la base, l’origine.
Dans - un diagnostic en médecine chinoise, il faut toujours bien distinguer les manifestations d’un déséquilibre ou d’une pathologie, et sa racine, son origine profonde. C’est biao et ben.
Qu’est-ce que la racine ? La véritable cause de nos problèmes et de nos maladies ? Si on va réellement au fond des choses, comment peut-on éluder l’expérience de la vie et ce que nous apporte zazen ? La compassion était un des aspects majeurs de l’enseignement de Maître Deshimaru. Comprendre le karma. Le karma inclut tout : nos données héréditaires, être né à tel endroit de la planète, à telle époque, dans un milieu social et familial donné. Puis notre propre expérience, à commencer par notre enfance. La médecine chinoise, dans ses fondements philosophiques et jusque dans son étude de la physiologie, inclut et distingue toujours ce qui relève de l’inné et de l’acquis.
A moins qu’il ne s’agisse que d’un petit bobo passager, la maladie, comme la vieillesse et la mort, est une des données incontournables de notre condition.
On considère ordinairement que la souffrance résulte de la maladie, mais du point de vue du Zen comme de la médecine chinoise, elle peut aussi en être la cause. C’est dans une analyse de tels processus que réside l’apport des connaissances en médecine chinoise, avec entre autres les relations émotions-organes-manifestations symptomatiques. Ainsi, 80 pour cent des maladies seraient d’origine dite émotionnelle.
Guérir l’esprit, disait Sensei.
Plus la société devient sélective et exigeante, plus les individus peuvent se sentir facilement défavorisés. L’hérédité intervient toujours pour tous, et parfois de façon très handicapante. La souffrance fait partie de la vie, elle est partout, en chacun de nous. A un moment ou à un autre, le karmaa se manifeste. Chacun porte son fardeau.
Pour le bouddhisme et pour le Zen, l’illusion, l’illusion de l’ego est la cause de toute souffrance. Si, dans les phénomènes de notre existence, on recherche la véritable racine de la souffrance, la cause la plus profonde des maladies, on ne peut pas éviter d’en revenir au karma.
Par Michel Champeau
Guérir l’esprit ?
Un des aspects les plus intéressants en médecine chinoise traditionnelle réside dans l’étude des relations entre le corps et l’esprit. Maître Deshimaru parlait souvent de l’unité du corps esprit en zazen.
En chinois, le caractère shen désigne à la fois l’esprit et l’énergie. C’est cette énergie, lorsqu’elle manifeste la vitalité, qui se traduira dans l’apparence par de l’« éclat ». Par exemple, un regard vivace, plein de vitalité, mais aussi un beau légume bien frais. Cela peut s’appliquer à tout ce qui est vivant.
Le caractère xin peut être le coeur mais aussi - et là on est tout à fait au coeur du sujet -, en médecine chinoise, la pensée, l’esprit, et cela inclut tout ce qui est d’ordre sentimental et émotionnel.
Xin shen : le coeur-esprit, l’esprit qui siège dans le coeur. Les Anciens considéraient que le coeur était le siège de ces fonctions où se mêlent intimement l’intellect et l’affectif. N’est-ce pas une des données fondamentales de notre condition, que la civilisation chinoise avait eu la sagesse de reconnaître en des temps anciens ? (Cette sagesse semble malheureusement très délaissée dans la Chine d’aujourd’hui.) En médecine, le coeur est aussi le « maître de la pensée et des émotions ». Ce qui implique directement qu’il peut aussi bien en être affecté.
Si le coeur est directement concerné, en tant qu’organe central, par tout ce qui émane de la conscience ou de l’esprit il n’est cependant pas le seul. Chacun des cinq zang’, ou organes principaux, « organes maîtres » de nature yin, détient des composants de notre psychisme.(Les cinq zang foie, coeur, rate, poumons reins.)
Pour en rester au niveau des émotions, des relations sont établies entre celles-ci, regroupées par similitude en cinq grandes familles, et les cinq zang.
C’est ainsi que sont en quelque sorte codifiées les relations entre le corps et l’esprit en médecine chinoise traditionnelle. Cela peut sembler un peu schématique au premier abord, mais on peut aussi trouver dans cette base d’analyse un grand nombre d’informations parfois difficiles à décrypter. Et il faut également pour s’en sortir faire appel à sa sensibilité, à une compréhension intime pour laquelle zazen peut apporter énormément.
Par exemple : la pensée, la réflexion, les soucis, les pensées réminiscentes ou obsessionnelles, mais aussi le surmenage intellectuel, le manque de sommeil.... avec dans tout cela une composante d’excès, peuvent affecter la rate. Et lorsqu’on parle de rate, il s’agit d’un grand ensemble de fonctions physiologiques dont certains aspects seulement peuvent être concernés, selon les cas. Car chaque individu réagit selon ses particularités, sa constitution, selon son état à un moment donné. Cela pourra se manifester extérieurement par des signes sensibles, palpables (les pouls), ou visibles, qu’il est possible d’identifier. Mais attention, un seul indice ne sera jamais suffisant, et il faudra toujours remonter à l’origine pour trouver une explication cohérente à tout un ensemble de symptômes qui peuvent parfois revêtir une apparence contradictoire.
Ces relations entre différentes fonctions psychiques, les émotions, le coeur-esprit d’une part le corps physique, l’équilibre des organes internes et les fonctions qui leur sont propres d’autre part, sont évidemment réciproques. Une énergie trop faible au niveau de la rate pourra par exemple entraîner des problèmes de mémoire.
Dans le langage imagé du Zen, notre mental est comparé à un singe, animal agile mais agité et imprévisible. La médecine chinoise compare le coeur-esprit à un cheval. Il vaut mieux le surveiller de près car il peut facilement s’emporter, partir au galop. Et si c’est le cas, alors il est très difficile de l’arrêter. Le coeur est parmi les cinq zang celui dont l’aspect yang est proportionnellement le plus fort. Il est concerné par toutes les émotions.
La joie étant le type d’émotions plus particulièrement rattachées au coeur, la disposition idéal du point de vue de la médecin chinoise consisterait à être aisément satisfait, et à connaître une joie douce et harmonieuse… Sympa ?!
Quelles que soient les émotions qui nous traversent, elles devraient toujours rester modérées, tout pouvant affecter notre équilibre, voire aller vers la pathologie. Dans tout les actes quotidiens, aucune énergie ne devrait être déployée inconsidérément, rien au delà du strict nécessaire.
Une joie excessive ou une attitude trop fréquente qui induit cette émotion, conduit à un excès d’énergie yang au niveau du coeur. On peut alors observer de l’agitation, une difficulté à s’endormir, un pouls rapide, une langue rouge, ou bien d’autres signes encore... A un niveau pathologique, on parle de « feu du coeur ».
Voici un passage du premier livre du Nei Jing Su Wen, dont les premières traces historiques se rencontrent dans les Annales des Han (1siècle avant notre ère) : « Les Sages de la haute antiquité apprenaient à chacun à éviter à temps " les perversions d’épuisement et les vents pirates ", et à maintenir, par le calme et la concentration, leur souffle naturel dans la docilité, à bien contenir leur esprit à l’intérieur de telle sorte que les maladies soient sans prise. Grâce à la restriction des appétits et à la contention des velléités, le coeur demeure paisible et sans émoi, le corps travaille sans s’épuiser, le souffle suit un cours régulier et chacun d’eux est satisfait. » (Traduction A. Husson.)
Oubliée dans la Chine moderne, la posture de zazen n’est pas inconnue de la médecine chinoise traditionnelle, qui la classe dans le qi gong internes. Par opposition aux qi gong externes, ceux-là sont sans mouvements et censés occasionner un travail interne sur l’énergie. C’est pourquoi ils sont souvent agrémentés de visualisations des flux énergétiques. Mais le professeur Leung (un de la vieille école) recommandait de laisser tomber ces visualisations, précisément pour ne pas solliciter le mental et le laisser au contraire se mettre au repos le plus complet. Tout en apaisant le coeur et les émotions, par l’effet du souffle et de la posture, l’énergie vitale se régénère.
Alors, qu’est-ce que la santé ? Pourrait-on la définir à partir de ces éléments ? Y a-t-il un point de vue zen sur cette question ?
Tout le monde souhaiterait vivre longtemps, heureux, avec une bonne énergie, sans connaître la maladie, mais en même temps le réflexe le plus répandu serait aussi de bien en profiter, de connaître tous les plaisirs de la vie ; on est prêt à se « défoncer au boulot » pour gagner beaucoup, réussir... et griller la chandelle par les deux bouts. Bref, on voudrait tout avoir.
Sensei enseignait de se donner sans réserve pour un véritable idéal, au-delà de notre ego. La longévité, la santé, n’est plus alors un but en soi. Pourtant et cela c’est seulement la pratique qui peut le confirmer zazen est l’équilibre, le retour à la condition normale du corps et de l’esprit, disait Sensei. Mais zazen est aussi au-delà de la santé et ne peut compter la recherche de nos satisfactions personnelles. « S’oublier soi-même », « rejeter le corps et l’esprit »…
Si la santé n 'est pas en soi un objectif suffisant, elle est cependant nécessaire, pour pouvoir continuer. Cela aussi, Sensei l’a toujours dit. On se souvient à ce propos, des « nouveaux préceptes » qu’il voulait enseigner, peu de temps avant de nous quitter. Parmi ceux-ci, il y avait : « Travailler pendant la journée et dormir la nuit. » L’idée est très simple, n’est-ce pas ? Très yin-yang aussi.
La médecine chinoise traditionnelle est pour une large part fondée sur l’expérience. L’expérience de données accumulées et complétées sur plusieurs millénaires, mais aussi l’expérience humaine, l’expérience de la vie, ici et maintenant fondée sur des qualités de sensibilité et d’intuition. Sur bien des points, l’expérience de zazen peut aider à comprendre et à approfondir des assertions de la médecine chinoise comme celles se rapportant aux relations du coeur, du mental et des fonctions physiologiques dont on a un peu parlé.
Sans une expérience de toutes les dimensions de l’existence, incluant la référence de zazen, il n’y aurait là qu’une liste interminable de connaissances sans grand intérêt.
Sur la question de la santé, une comparaison du Zen et de la médecine chinoise traditionnelle serait du type : racine = pratique, branches = connaissances.
On peut en faire le petit schéma de la page précédente (pourquoi pas ?), et ça donne une belle posture. Zazen est une racine dans notre vie. C’est la pratique qu’il faut réactualiser constamment. C’est la plus haute dimension de notre existence. Pour continuer zazen, il faut se maintenir en bonne santé. La médecine a pour préoccupation la santé. Ce sont des connaissances intéressantes et utiles. Elles peuvent fournir des moyens d’analyse pour une compréhension de nos mécanismes intimes, de notre équilibre, de nos déséquilibres.
Ces connaissances peuvent évidemment aboutir à des méthodes thérapeutiques dont la plus connue est l’acupuncture. Il y a aussi la pharmacopée, les massages, la diététique. Mais cela soulève un autre problème. Si on se pose la question de définir la santé et si on la conçoit en termes de soins et de guérison, alors il faudrait aussi définir la maladie.
En chinois moderne, biao signifie exactement : détail, et manifestation extérieure. Ben, c’est la racine, la fondation, la base, l’origine.
Dans - un diagnostic en médecine chinoise, il faut toujours bien distinguer les manifestations d’un déséquilibre ou d’une pathologie, et sa racine, son origine profonde. C’est biao et ben.
Qu’est-ce que la racine ? La véritable cause de nos problèmes et de nos maladies ? Si on va réellement au fond des choses, comment peut-on éluder l’expérience de la vie et ce que nous apporte zazen ? La compassion était un des aspects majeurs de l’enseignement de Maître Deshimaru. Comprendre le karma. Le karma inclut tout : nos données héréditaires, être né à tel endroit de la planète, à telle époque, dans un milieu social et familial donné. Puis notre propre expérience, à commencer par notre enfance. La médecine chinoise, dans ses fondements philosophiques et jusque dans son étude de la physiologie, inclut et distingue toujours ce qui relève de l’inné et de l’acquis.
A moins qu’il ne s’agisse que d’un petit bobo passager, la maladie, comme la vieillesse et la mort, est une des données incontournables de notre condition.
On considère ordinairement que la souffrance résulte de la maladie, mais du point de vue du Zen comme de la médecine chinoise, elle peut aussi en être la cause. C’est dans une analyse de tels processus que réside l’apport des connaissances en médecine chinoise, avec entre autres les relations émotions-organes-manifestations symptomatiques. Ainsi, 80 pour cent des maladies seraient d’origine dite émotionnelle.
Guérir l’esprit, disait Sensei.
Plus la société devient sélective et exigeante, plus les individus peuvent se sentir facilement défavorisés. L’hérédité intervient toujours pour tous, et parfois de façon très handicapante. La souffrance fait partie de la vie, elle est partout, en chacun de nous. A un moment ou à un autre, le karmaa se manifeste. Chacun porte son fardeau.
Pour le bouddhisme et pour le Zen, l’illusion, l’illusion de l’ego est la cause de toute souffrance. Si, dans les phénomènes de notre existence, on recherche la véritable racine de la souffrance, la cause la plus profonde des maladies, on ne peut pas éviter d’en revenir au karma.
En définitive, ces causes-là, ni l’acupuncture ni aucune médecine ne peuvent les guérir.
Et nous-mêmes, qu’est-ce qu’on y peut ?
Seulement zazen.
Michel Champeau
Zen - Bulletin de l’Association Zen Internationale
Association Zen Internationale
175, rue de Tolbiac - 75013 Paris
Tél. : 01 53 80 19 19 - Fax : 01 53 80 14 33
Et nous-mêmes, qu’est-ce qu’on y peut ?
Seulement zazen.
Michel Champeau
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175, rue de Tolbiac - 75013 Paris
Tél. : 01 53 80 19 19 - Fax : 01 53 80 14 33
http://www.zen-azi.org
http://www.buddhaline.net/Zen-et-medecine-chinoise
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