samedi 30 janvier 2010

"LA MEDITATION ET LE ZEN"

La tradition Zen

Quelle est la fonction de la méditation à l'intérieur de la tradition Zen?

Quels liens existent-ils entre la compréhension de la conscience humaine dans cette tradition spirituelle et la pratique de la méditation?

Chaque tradition spirituelle malgré des similitudes, possède sa propre compréhension de la conscience humaine. Chaque tradition a établi des étapes, défini des niveaux et une voie particulière qui permet à la conscience de se développer pour atteindre une plus grande liberté. Chaque tradition a une manière de définir la méditation et différentes pratiques spirituelles qui donnent au disciple des outils pour le guider sur la voie et à travers son quotidien et quelquefois dans tous les aspects de sa vie.

Les techniques de méditations que propose une tradition spirituelle particulière sont en accord avec la conception de la conscience que celle-ci prône. Dans les traditions théistes, la méditation sert à augmenter le contact avec Dieu. La concentration sur Dieu, son image, sa représentation symbolique ou le nom qu'on lui donne devient omniprésente dans l'esprit du méditant et fait disparaître tout le reste, pour préparer une fusion avec le divin. Inversement, dans certaines traditions non-théistes, la méditation surtout de type introspective, cherche à épuiser l'esprit du disciple pour atteindre le vide, le ralentissement des processus mentaux et ultimement la libération.

Qu'est-ce que le Zen?

Définir le Zen qui est une ramification du Bouddhisme n'est pas facile. Tout au long de son ouvrage, "Esprit Zen, esprit neuf", Shunryu Suzuki ne cesse de répéter qu'il faut être prudent avec la compréhension du Zen de peur d'en perdre l'essence. A la page 115 de son livre, il mentionne simplement:

"Parler du bouddhisme est presque impossible. Ne rien dire, simplement le pratiquer, est donc mieux."

Plus loin, il écrit encore:

"Une compréhension profonde du bouddhisme ne nous importe pas tellement. En tant que philosophie, le bouddhisme est un système très profond, très vaste, très solide, mais le Zen ne s'intéresse pas à la compréhension philosophique. C'est la pratique qui compte." (page 123)

"La meilleure manière de développer le bouddhisme est d'être assis en zazen, simplement assis, fermement convaincu de notre vraie nature. Pratiquer ainsi vaut mieux que lire des livres ou étudier la philosophie du bouddhisme. Bien sûr, il est nécessaire d'étudier la philosophie, ceci renforcera votre conviction. La philosophie bouddhique est si universelle et si logique qu'elle n'est pas seulement la philosophie du bouddhisme, mais celle de la vie même. L'enseignement bouddhique vise à montrer la vie même, telle qu'elle existe au-delà de la conscience dans la pureté de notre esprit originel." (page 165-167)

Résumé brièvement, la philosophie bouddhique rappelle à chaque être humain qu'à son origine il formait un avec l'univers, avec toutes choses autour de lui: les montagnes, les rivières, les arbres et tous les êtres humains. A partir de la naissance, nous avons été séparé. Cette séparation, nous amène à vivre des sensations et à nous attacher à celles-ci, croyant que c'est ce que nous sommes. Nous ne réalisons plus que nous ne formons qu'un avec l'univers et ainsi nous avons peur.

L'essentiel de la philosophie bouddhique est donc de rechercher à nouveau cet état d'union. Paradoxalement, il n'y a rien à chercher, rien à atteindre et la méditation ne doit avoir aucun but, car tout est déjà là, en nous et autour de nous. L'illumination: c'est prendre conscience de ce fait, et le sentir profondément. Faire zazen, c'est à dire méditer dans la tradition Zen, c'est l'illumination, c'est la présence à tout ce que nous sommes, ici et maintenant alors que nous sommes simplement assis, c'est la présence à la nature du Bouddha en nous qui est disponible à chaque instant.


Faire Zazen

D'après Goleman (Douze formes de méditations, p.174), les techniques de méditations zazen de la tradition Zen, et vipassana de la tradition Bouddhiste tibétaine sont les deux seules à combiner des méthodes basées sur la concentration et l'introspection. Goleman appelle : "intégré", ce type de méditation par laquelle l'esprit converge sur un objet mental fixe (concentration) et en même temps s'observe lui-même (introspection).

Introduction

Chaque tradition spirituelle malgré des similitudes, possède sa propre compréhension de la conscience humaine. Chaque tradition a établi des étapes, défini des niveaux et une voie particulière qui permet à la conscience de se développer pour atteindre une plus grande liberté. Chaque tradition a une manière de définir la méditation et différentes pratiques spirituelles qui donnent au disciple des outils pour le guider sur la voie et à travers son quotidien et quelquefois dans tous les aspects de sa vie.

Shunryu Suzuki dans : "Esprit zen, esprit neuf", explique la concentration dans la méditation zazen de la façon suivante:

"La concentration ne consiste pas à s'efforcer d'observer un objet. Si vous essayez de fixer un point unique pendant zazen, vous en aurez assez au bout de cinq minutes. Ce n'est pas la concentration. Concentration signifie liberté. Votre effort devrait donc se diriger vers rien. Vous devriez ne vous concentrez sur rien. Dans la pratique zazen, nous disons qu'il faut concentrer notre esprit sur la respiration. Si vous vous concentrez sur votre respiration, vous vous oublierez; et si vous vous oubliez, vous vous concentrerez sur votre respiration. Je ne sais pas lequel vient en premier. Ce n'est donc pas la peine de faire des efforts désespérés pour vous concentrez sur votre respiration. Faites simplement ce que vous pouvez. Si vous continuez cette pratique, vous ferez finalement l'expérience de la véritable existence qui vient de la vacuité." (page 142-143)


Faire zazen, c'est être présent à la position et au moment présent. C'est simplement être assis et être présent à ce que nous sommes et à notre respiration. Cette présence et cette concentration permettent de pendre contact avec la nature du bouddha et l'illumination. Mais nous ne devons pas faire zazen pour atteindre l'illumination car il n'y a rien à atteindre, c'est un non-sens. Faire zazen, c'est l'illumination et faire zazen ce n'est pas l'illumination mais les deux sont zazen et il n'y a rien de plus à atteindre que d'être là à faire zazen.

Il peut devenir complexe de définir la méditation zen, tellement elle représente l'essence de cette tradition spirituelle. Le Zen, sans la pratique zazen n'existe pas. Le Zen, c'est la pratique de la méditation zen dans chaque aspect de la vie quotidienne. Nous pouvons faire zazen en faisant la vaisselle, simplement en étant présent à ce que nous sommes et à l'activité que nous effectuons. L'illumination est présente à chaque instant, tout comme la nature du Bouddha ne nous quitte jamais et est présente en chaque chose à chaque instant.

Voici ce que Suzuki nous enseigne sur la pratique zazen et le quotidien:

"Pratique zazen et activité quotidienne sont une seule et même chose. Nous appelons zazen la vie de tout les jours, et la vie de tous les jours zazen. Mais nous pensons d'habitude: "Maintenant zazen est fini, nous allons reprendre notre activité quotidienne." Mais ce n'est pas la compréhension juste. Ce sont une seule et même chose. Nous ne pouvons nous échapper nulle part. Ainsi, dans l'activité devrait être le calme, et dans le calme devrait être l'activité. Calme et activité ne sont pas différents." (page 150)

Dans la tradition Zen, pratique et philosophie semblent confondues. Faire zazen, c'est pratiquer le bouddhisme. Comme faire zazen est une pratique du quotidien, la méditation de la tradition Zen est profondément inscrite dans tous les aspects de la vie des disciples. Chaque activité, chaque interaction, chaque méditation et chaque respiration sont autant d'instants pour vivre le bouddhisme et accomplir les enseignements du Bouddha. Tous ces instants peuvent être des moments d'illumination et ils peuvent aussi ne pas l'être. Tout cela est correct, tant que nous sommes présent à ce qui est. C'est ma compréhension du Zen.


Suivre la voie

Dans la tradition Zen, suivre la voie, c'est le but. On ne suit pas la voie pour atteindre le but et l'illumination n'est pas le but. Le but c'est d'être sur la voie.

Suzuki, nous explique dans son langage simple et concis ce qu'est la voie et ce qu'elle représente par rapport à la pratique de la méditation:

"Si notre pratique n'est qu'un moyen pour atteindre l'illumination, il n'y a aucun moyen de la réaliser! Nous perdons la signification de la voie menant au but. Mais quand nous croyons fermement en notre voie, nous avons déjà réalisé l'illumination. Quand vous croyez en votre voie, l'illumination est là. Mais quand vous ne pouvez croire à la signification de votre pratique du moment présent, vous ne pouvez rien faire." ( "Esprit Zen, esprit neuf", page 127)

L'importance dans la pratique de la méditation zen n'est donc pas le stade que nous pouvons atteindre dans cette pratique. La pratique elle-même est importante et est la pierre angulaire de la tradition Zen sans jugement ou référence au niveau de chaque disciple. Ce qui est important est de faire zazen. L'illumination n'a pas lieu parce que nous pratiquons zazen mais parce que la nature du Bouddha est en nous. Selon la tradition bouddhiste, le disciple commence par l'illumination, continue par la pratique et ensuite par la pensée. L'illumination s'atteint spontanément, sans préparation.

Pour terminer ce texte, j'aimerais revenir aux paroles de Suzuki qui offre un mot d'encouragement à ceux qui sont sur la voie:

" La seule manière d'étudier l'esprit pur passe par la pratique... Il nous faut une plus grande expérience de la pratique. Il nous faut au moins quelque expérience de l'illumination. Faites confiance à l'esprit vaste qui est toujours en vous... Il s'agit de vous trouver, celui qui agit, de retrouver votre être véritable grâce à la pratique, retrouver le vous qui est toujours avec tout, avec Bouddha, qui est totalement soutenu par tout. Immédiatement! Vous allez me dire que c'est impossible. Mais c'est possible! Même en un instant, vous pouvez le faire! C'est possible maintenant! C'est maintenant! Vous pouvez le faire immédiatement et ceci signifie que vous pouvez toujours le faire. Si vous avez confiance ,c'est votre expérience de l'illumination. Si vous avez cette ferme confiance en votre esprit vaste ,vous êtes déjà un bouddhiste au vrai sens, même si vous ne réalisez pas votre illumination." (page 178-179)

Qui est Shunryu Suzuki, Maître Zen?

Shunryu Suzuki, de la lignée du Zen Soto, était un descendant spirituel direct du grand Dogen. En 1958, à cinquante trois ans, maître Zen déjà profondément respecté au Japon, Suzuki-roshi vint au États-Unis et s'installa à San Franscisco. Il fût sans contredit l'un des maîtres Zen les plus influant de notre époque. Sous sa direction, sept centres de méditation fîrent éclosion en amérique y compris le Zen Mountain Center, premier monastère Zen hors d'Asie. Il décéda en 1971.

" Esprit neuf de débutant. L'esprit du débutant contient beaucoup de possibilités, mais celui de l'expert en contient peu."
(S. Suzuki. (1970) Esprit zen, esprit neuf)


Par Alain Rioux Ph. D, Psychologue




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3 commentaires:

Frédéric Baylot a dit…

texte très bien fait
toutefois je me pose la question de savoir si dire qu'à la "naissance, nous avons été séparé" est réellement zen ? ;))

nous ne sommes séparés en rien il me semble, ou alors comme l'enfant qui tourne le dos à ses parents, pleurant croyant les avoir perdus, alors qu'ils sont déjà là ! ;-)

quand à "méditation zen" cest un pléonasme, puisque c'est le sens de zen, za zen étant la méditation assise (sur le za fu)

chaleureusement

frédéric

Hélène Ollivier a dit…

Merci Frédéric pour ces précisions.
Pour reprendre le passage du texte que tu cites:

"A partir de la naissance, nous avons été séparé. Cette séparation, nous amène à vivre des sensations et à nous attacher à celles-ci, croyant que c'est ce que nous sommes. Nous ne réalisons plus que nous ne formons qu'un avec l'univers et ainsi nous avons peur."

Bien avant d'avoir entamé une démarche spirituelle, j'avais cette sensation de vide;Bien qu'étant pleine de vie, il me manquait ce quelque chose, cette sensation d'appartenance avec le Tout.
C'est peut-être ce que l'auteur a voulu mentionner en employant le terme "séparation".
Je pense aussi au voile de l'oubli qui nous recouvre entre deux incarnations.

Pour ma part, je n'ai pas étudié le Zen, mais tout ce qui s'y rapporte me semble tellement emprunt de simplicité...
Je reprend un passage:

"le Zen ne s'intéresse pas à la compréhension philosophique. C'est la pratique qui compte."

Cette phrase résonne fortement en moi, car il est vrai que plus on médite,plus l'état de méditation s'instaure de plus en plus en nous.

Merci encore Frédéric,,

Serena

Frédéric Baylot a dit…

En effet dans la zen, on est pas tant dans le "pourquoi" avec des études théoriques que dans le "comment pratiquer" et Dogen répond : "juste s'asseoir"
peut on dire que plus on médite,plus l'état de méditation s'instaure en nous ? Je ne sais pas
pour ma part je dirais "je médite"
et à chaque fois que je m'asseoie : je m'édite

chaleureusement et beau cheminement sur cette voie

frédéric