jeudi 19 novembre 2009

"CONFIANCE EN L'ESPRIT"


  La confiance et l’esprit ne sont pas deux,
La non-dualité est la confiance en l’esprit.

La voie des mots est avortée,
Il n’est plus de passé, d’avenir, ni de présent.


Et les quatre derniers vers associent les termes «confiance» et «esprit». Ce passage nous dit que la confiance et l’esprit ne sont qu’une seule et même chose. Il affirme que la non-dualité ne peut que s’atteindre par la «confiance en l’esprit». Cette affirmation n’est-elle pas déroutante? «Confiance en l’esprit?» N’avons-nous pas fait tout notre possible pour nous débarrasser de l’esprit afin d’atteindre la vacuité? Et voici que l’on nous demande d’avoir confiance en l’esprit!

La confusion se dissipe lorsqu’on réalise que l’esprit auquel on se rapporte ici n’est point notre «faux esprit» fait d’activité mentale égocentrique, mais bien l’état atteint dès que l’on se débarrasse de cet esprit égocentrique et que l’on pénètre la vacuité – l’«esprit universel». L’esprit dont il est question ici est en fait la vacuité qui se trouve en vous et autour de vous, et dont nous ne faisons tous qu’un.

Le troisième vers se fait clair. Lorsqu’on pénètre ce véritable esprit opposé au faux esprit dont on vient de se débarrasser, nous entrons en un domaine où «la voie des mots est avortée», une région qui ne saurait être comprise par le recours au langage. C’est un domaine où la raison n’est pas admise et où même le temps a cessé d’exister.

Quand a-t-on réellement besoin de la confiance, de la foi? Nous en avons besoin lorsque nos facultés intellectuelles échouent, lorsqu’il n’y a plus moyen de décrire un phénomène.

Pénétrer en ce domaine mystique enveloppé de mystère exige confiance en l’esprit universel, en la vacuité. Sans confiance, sans foi, personne n’osera pénétrer le mystère.

Notre dernier pas vers l’éveil est un acte de foi – de foi et de confiance en l’esprit.


Accepter le mystère,
Croire en la vacuité,
Avoir confiance en l’esprit,
C’est pénétrer le mystère,
C’est marcher en harmonie
Avec le Tao.

Derek Lin.

http://www.chm.be/dao/poemeconfiance/037.htm

dimanche 30 août 2009

"L'EGO,L'AME ET LE SOI, D'APRES JUNG"


Par Laura Winckler et Frédéric Blanchard

L’ego

L’ego est le siège de la conscience : c’est lui qui permet de se sentir séparé de la mère et du reste du monde et d’être une entité pouvant à son tour affecter le monde.

L’ego adulte développe des capacités visant à satisfaire divers besoins, physiologiques, de sécurité ou d’insertion sociale.


L’enfant jeune est faible, vulnérable et dépendant de ses parents et de son environnement. A ce stade, son ego n’est pas encore formé. Par la suite, ce dernier commence à remplacer les parents et acquiert des fonctions protectrices. Sa deuxième tâche consistera à relier l’individu au monde environnant, lui apprenant à survivre, puis à s’insérer socialement et à réussir dans la vie. Certaines épreuves permettront de fortifier l’ego. Notre ego ou notre moi est la partie consciente de nous-mêmes qui se différencie de l’océan des potentialités de l’inconscient collectif. Pour s’affirmer il devra rompre, d’une certaine façon, avec le milieu d’où il est issu. L’ego est un outil, l’image de notre moi, notre persona, un masque. Cependant, une fois complètement développé, il doit être vidé de son contenu afin de devenir l’enveloppe qui héberge et porte l’âme (l’acteur), sans que la rencontre entre ces deux dimensions soit vécue comme un drame. Cela suppose un ego bien développé et correctement formé, conscient de ses limites et de ses qualités, tel que l’acquiert le Héros pendant la préparation de son périple : l’optimisme de l’innocent, l’entraide de l’Orphelin, le courage du Guerrier, la générosité du Bienfaiteur.

Cette personnalité bien intégrée en elle-même et dans son environnement sentira alors l’appel de l’âme, d’une force qui la conduira vers la quête de son destin. C’est seulement à ce moment-là que peut commencer la traversée.

L’âme

L’âme, pour se réaliser sans encombre, a besoin de la coopération et de la présence de l’ego qui a du bon sens et les pieds sur terre. Disons que Don Quichotte se fera accompagner de Sancho Pança pour partir en quête du trésor ou des mystères de la vie.

Pour Jung, l’âme symbolise souvent notre psyché ou le point par lequel s’expriment les archétypes de l’inconscient collectif. Elle est la partie de notre psyché qui nous connecte avec ce qui est éternel et procure la sensation de sens et de valeur à notre vie.

Nous commençons à nous occuper de l’âme lorsque nous ressentons le besoin de comprendre le sens de la vie, le sens de notre vie, que nous cherchons à nous relier au cosmos.
Elle rend possible le sens de l’unité. Malheureusement, dans nos sociétés où on la refuse, elle est contrainte de s’exprimer à travers les fissures ou les failles de la vie, dans certains moments de trouble ou de souffrance, ou bien lorsque nous traversons les grandes crises de l’existence : les transitions entre l’enfance et l’adolescence, entre l’adolescence et l’âge adulte, lors de l’entrée dans la maturité puis dans la vieillesse, enfin face à la mort.
Dans ces moments liminaux, donc de passage, où il n’y a plus ni certitudes, ni sécurité, l’âme parvient alors à s’exprimer, dans la souffrance parfois ou à travers des comportements négatifs et autodestructeurs.

De nombreuses sociétés traditionnelles ont élaboré des mythes et des rites, notamment d’initiation, pour aider à ces mûes de l’âme. Le but de l’initiation étant essentiellement de comprendre avec le langage de l’âme, par le vécu, ce que signifient les expériences de la vie.
La traversée du Héros est une initiation aux réalités du périple de l’âme. Elle nous demande de contrôler notre vie pour ensuite nous en détacher, abandonner la peur du vide, de la mort, et être prêts à expérimenter la totalité de la vie. Pour cela, il nous faut élargir l’étroit champ de vision de l’ego, nous détacher des sentiments, de la quête mais tôt ou tard il nous faut atteindre les mystères centraux de la vie et apprendre la mort, la passion, la naissance, la création, en tant que mystères.

Sans l’âme, nous sommes pareils à des automates : nous effectuons tous les mouvements possibles, mais ils manquent de sens. L’initiation nous offre l’opportunité d’expérimenter le sens de la vie et, grâce à elle, d’apprendre la quête de dépassement du Chercheur, le détachement du Destructeur, l’engagement de l’Amant et, finalement, l’union avec notre propre âme qui permet la naissance d’un nouveau Soi, le Créateur.

Le Soi

Le Soi est l’expression de l’intégrité, le point final du processus d’individuation. La traversée est achevée, le trésor retrouvé, et nous sommes de retour dans le royaume qui se transformera en fonction d’un nouveau principe ordonnateur.

L’essence du Soi est le paradoxe, car il nous permet de vivre ce qui est singulier et unique en nous et, en même temps, met notre ego en relation avec la dimension transpersonnelle. A son niveau, le vie n’est plus perçue comme une lutte mais comme une source d’abondance. Nous devenons les rois et les reines de nos propres domaines et si nous sommes fidèles à notre Etre intérieur (le Soi), nous faisons fleurir la terre desséchée. Le soi est donc profondément blessé si l’ego et l’âme sont déconnectés. Sa réalisation demandez d’assumer pleinement nos responsabilités et de les intégrer à notre conscience.

Si l’éveil de l’ego fait surgir le particulier de l’universel, le multiple de l’unité, le retour au Soi permet de réintégrer le particulier à l’universel, le multiple à l’Un. Par la force de restitution et le lien créé par l’homme avec Dieu et toute la création, l’être refait en lui l’unité perdue.

Tout grand Gouvernant a besoin d’un Magicien pour prédire le futur, pour soigner les malades, pour créer des rituels qui relient les hommes au cosmos et maintiennent la liaison permanente avec la dimension spirituelle de la vie. Il peut aussi avoir à ses côtés un Sage qui lui donne des conseils objectifs et le sort de sa subjectivité. Et aussi un Bouffon, capable de réjouir le château et de dire au Gouvernant de terribles vérités. Le Gouvernant le Mage, le Sage et le Bouffon s’aident mutuellement et contribuent, grâce à leurs talents, à produire un royaume salutaire, prospère et joyeux. Ils symbolisent les quatre aspects du Soi intégré.

L’ombre

Nous nous savons tous porteurs d’une ombre, sorte de personnage dont la silhouette se compose de tout ce que nous refoulons et qui ne cadre pas avec l’apparence sociale que nous voulons nous donner. Cette ombre est le dragon qui se nourrit, dans l’homme mûr et bien sous tous les rapports, de tout ce que son moi refuse à intégrer consciemment. C’est le premier aspect de chaque archétype à reconnaître si l’on veut avancer dans le processus d’individuation.

La difficulté réside dans le fait que l’ombre est généralement repoussante mais qu’elle porte en elle la régénération de la vie consciente. Elle repousse et fascine, et se laisse ainsi facilement projeter sur autrui pour éviter d’avoir à reconnaître qu’elle fait partie de nous-mêmes.
L’ombre peut se manifester par des omissions (actes manqués …) ou par des actes impulsifs, commis par inadvertance. Elle est avant tout personnelle, mais s’enracine aussi, comme l’illustre image quasi universelle du diable, dans l’inconscient collectif. Tout peuple a son diable, trop souvent projeté sur ceux qu’il ne parvient pas à intégrer dans sa vision du monde.

L’ombre pose un problème moral à l’individu car elle peut contenir aussi bien des qualités que des défauts. La morale commune, ou celle qui a baigné l’individu dans sa jeunesse, est le plus souvent incompétente pour juger de la vraie nature de l’ombre : constructive ou destructive ? Plus qu’une morale conventionnelle et sociale qui rassure par ces concepts arrêtés de ce qui est bien ou mal, c’est d’une philosophie du risque, du combat intérieur et de la responsabilité des choix qu’il implique, que l’homme a besoin dans cette aventure. Il ne dépend que de lui que l’ombre soit son amie ou son ennemie. Elle ne devient hostile que si elle est ignorée ou traitée avec incompréhension ; elle ne peut se transmuter que si le moi accepte l’aide du Grand Homme : du Soi. La quête du Soi est à l’image de celle du Grâal ou de toute quête initiatique de l’immortalité au sens spirituel du terme.

S’engager dans cette voie, c’est donc déjà accepter le fait qu’une crise n’est pas une fatalité insurmontable mais l’opportunité d’une nouvelle naissance par un dialogue constructif avec l’ombre : de là peuvent naître de nouveaux comportements, plus ouverts, plus riches. Une connaissance approfondie des mythes peut être d’une grande utilité car ils nous parlent, notamment des plus archaïques, un langage pas encore contaminé par une morale trop rationnelle et peuvent ainsi éveiller des images positives de dialogue avec l’ombre.


lundi 10 août 2009

"DES ETATS DEPRESSIFS A L'OUVERTURE DE CONSCIENCE"


Il existe, dans le monde, des phénomènes auxquels on est parfois confronté, des situations proches des rites de passage sans qu’on puisse parfois les identifier comme tels, qui peuvent représenter des occasions d’ouverture de la conscience. Les crises, les états dépressifs que nous traversons sont souvent une amorce d’ouverture vers la lumière.

Je me suis replongé dans ce livre de Christina et Stanislav Grof, les fondateurs de la psychologie transpersonnelle, qui s’intitule À la recherche de soi, paru aux Éditions du Rocher dans la collection " l’Esprit et la Matière ".En voici quelques lignes.

* Crises : des cris d’alarme

" Les crises surgissent lorsque l’évolution psychologique du sujet, sa maturation, se fait non pas d’une manière lente et harmonieuse, mais brutalement. Toute croissance est marquée par des phases transitoires de confusion et de questionnement et, dans des cas extrêmes, par des périodes de chaos et de désespoir. […]

" Depuis des décennies, les cris d’alarme se multiplient, dénonçant les dangers qui menacent notre civilisation. Nous avons aujourd’hui le douteux privilège d’être les premiers hommes de l’histoire à posséder les moyens d’un suicide collectif, et, ce qui est pire, d’une extermination de toutes les autres formes de vie. Nous devons faire face à une crise majeure affectant aussi bien notre système de pensée que notre conscience. "

Le préfacier rappelle un peu plus loin, qu’après la démarche personnelle qu’il a faite, il est arrivé à la conclusion que " le monde dans lequel nous vivons n’est que le reflet tangible de l’état de conscience dans lequel nous nous trouvons ".

* De développement spirituel

Dans cet ouvrage, il est question de développement spirituel, mais on l’aborde d’une façon très particulière : c’est à partir des blocages, des difficultés, des épreuves, des tensions et des extensions qu’on peut éprouver – qu’ils appellent " spirituelles " – que se fait le cheminement. C’est la traduction un peu discutable de deux formules employées en anglais : Spiritual Emergency – lorsqu’il y a crise, il y a urgence – et Spiritual Emergence – lorsque la conscience sort un peu de la crise et du chaos pour accéder à un niveau plus harmonieux.

* Stanislav Grof

Stanislasv Grof est un personnage très intéressant qui a été, à un moment, chargé d’une étude sur les applications de la thérapie psychédélique à l’Institut des recherches psychiatriques de Prague. En 1967, il est transféré aux États-Unis à la John Hopkins University qui lui a proposé un poste de recherche. Au centre psychiatrique du Maryland, son équipe a exploré systématiquement les effets de la thérapie psychédélique, notamment du LSD, chez les névropathes, les alcooliques, les drogués et les cancéreux au stade terminal.

Puis, à la fin des années soixante, il se joignait à un petit groupe de spécialistes qui provenait alors d’horizons divers – médecins, anthropologues, physiciens, biologistes, etc. – partageant les mêmes convictions que lui, et qui estimaient opportun de lancer un mouvement en psychologie qui concentrerait ces recherches sur la conscience et les dimensions spirituelles de la psyché qui ne sont prises en compte dans les autres écoles de psychologie. La psychologie humaniste est la seule qui ouvre un peu la porte à la dimension spirituelle. Les autres écoles sont beaucoup plus terre à terre et ne tiennent pas compte de ces phénomènes qui font l’objet, en somme, de l’étude et des témoignages de la psychologie transpersonnelle, créée par ce groupe de professionnels dont Christina et Stanislav Grof font partie.

* La perspective transpersonnelle

Pour nous situer, les auteurs expliquent que " La perspective transpersonnelle dépasse le cadre étroit de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychothérapie. Les découvertes révolutionnaires en physique quantique […], la recherche sur les potentialités du cerveau, l’holographie, la thanatologie, l’étude comparative des religions, les expériences d’élargissement de la conscience vécues par un nombre de plus en plus important d’Occidentaux, tout cela semble confirmer les enseignements des grandes traditions spirituelles de l’Antiquité et de l’Orient, ainsi que les témoignages des anthropologues sur le chamanisme. […] Le mouvement transpersonnel fut créé afin de prendre en compte tous les paramètres relatifs aux états subtils de la matière et aux états supérieurs de conscience. "

* Tensions spirituelles et extensions spirituelles

Dans un premier temps, on parle de tensions spirituelles par opposition à l’extension spirituelle. Les tensions spirituelles sont, bien souvent, le résultat d’états dépressifs et désespérés qui sont provoqués par des situations difficiles. Ça peut être suite à une maladie, un accident, une opération, un effort intense, un manque de sommeil prolongé, etc. Il y aussi le stress physique et affectif. Mais…

" Il peut arriver qu’une transformation psycho-spirituelle trouve son origine dans une union sexuelle intense d’une force affective irrésistible, comme le font remarquer les auteurs. La sexualité a également des dimensions transpersonnelles importantes. "

À un moment, les auteurs font référence au cas de la consommation sauvage et incontrôlée de drogues psychédéliques où nombreux sont ceux qui sont passés par une ouverture spirituelle et pour certains, par une tension spirituelle également. Comme dans les bad trips qui pouvaient avoir une signification au plan de la croissance personnelle, mais à quel prix… " Les crises de transformation peuvent également trouver leur origine dans des circonstances moins spectaculaires, telles que la méditation assise ou en mouvement, la contemplation et la prière ", écrivent les Grof.


Qu’est-ce au juste que l’extension spirituelle? Il faut comprendre d’abord qu’il s’agit de termes qui sont employés dans le contexte d’un exposé qui vise à définir et à expliquer la psychologie Transpersonnelle. Alors, il est certain qu’on va parler de l’énergie créatrice, de l’intelligence cosmique qui se retrouve toute entière chez chacun d’entre nous, mais pas toujours éveillée. Pour simplifier, je vous dirai que l’extension spirituelle se produit quand on accède tout à coup à un niveau de conscience passager, avec l’espoir qu’il puisse subsister ou résister au chaos de la vie quotidienne, ce qui nous vaut une plus grande ouverture de la conscience.

Voici, résumée en un paragraphe, une bonne définition de l’extension spirituelle :

" En termes très généraux, expliquent les auteurs, l’extension spirituelle peut être définie comme l’évolution d’un individu vers un mode de vie plus épanoui qui se signale par un mieux-être émotionnel et psychosomatique, une plus grande liberté dans les choix personnels et un sens approfondi de ses relations avec les autres, avec la nature et avec le cosmos. Une part importante de ce développement réside dans la conscience accrue de la dimension spirituelle tant dans la vie d’un être que dans l’ordre universel. "

Quand on en prend conscience dans ces termes, il est possible de passer d’une tension à une extension, si je puis dire. Ainsi, une crise que l’on percevait au départ comme très négative, douloureuse, peut aboutir à quelque chose d’autre, c’est-à-dire devenir une expérience d’extension spirituelle, plutôt que rester simplement une tension spirituelle.

Stanislav et Christina GROF
"À la recherche de soi"(Ed.du Rocher)

samedi 25 avril 2009

THICH NHAT HANH,LES CINQ ENTRAINEMENTS DE LA PLEINE CONSCIENCE"



Vivre en pleine conscience, étant éveillé. Tout le monde a peut-être l’impression de l’être, éveillé tout le temps, mais quand tout à coup on est attentif à sa propre façon de veiller dans la vie, on ne peut pas ne pas se rendre compte que nous avons la conscience plutôt vague, plutôt floue. Une conscience ratatinée quoi!… Voilà à quoi je réfléchissais en me familiarisant avec la pensée de Thich Nhat Hanh, un moine bouddhiste zen d’origine vietnamienne de renommée internationale. Ce philosophe a une pensée très écologiste. En fait, il s’inspire beaucoup de l’entraînement du bouddhisme qui est une philosophie, un art de vivre, plutôt qu’une religion. Je le précise à chaque fois pour être certain qu’on va se comprendre. Puis, il l’applique beaucoup à notre quotidien d’aujourd’hui, à notre monde contemporain. Il parle de la pleine conscience dans cet ouvrage intitulé Changez l’avenir : pour une vie harmonieuse, paru chez Albin Michel, Collection " Spiritualité ". Pour tenter d’arriver à la pleine conscience, Thich Nhat Hanh suggère un entraînement qui comprend cinq étapes.


Les cinq entraînements

Premier entraînement

D’abord, développer la conscience de la souffrance provoquée par la destruction de la vie :

" Conscient de la souffrance provoquée par la destruction de la vie, je suis déterminé à développer ma compassion et à apprendre les moyens de protéger la vie des personnes, des animaux, des plantes et des minéraux. – Très bouddhiste tout cela. – Je m’engage à ne pas tuer, à ne pas laisser tuer et à empêcher tout acte meurtrier dans le monde, dans mes pensées ou ma façon de vivre. "

Donc, le premier entraînement c’est : être conscient.

Deuxième entraînement

" Conscient des souffrances provoquées par l’exploitation, l’injustice sociale, le vol et l’oppression, je suis déterminé à cultiver mon amour et à apprendre à agir pour le bien-être des personnes, des animaux, des plantes et des minéraux. Je m’engage à pratiquer ma générosité en partageant mon temps, mon énergie et mes ressources matérielles avec ceux qui sont dans le besoin. Je suis déterminé à ne pas voler, à ne rien posséder qui ne m’appartienne. Je m’engage à respecter la propriété d’autrui et à empêcher quiconque de tirer profit de la souffrance humaine et de toute autre espèce vivante. "
Ça me fait toujours penser à cette formule de Saint-Augustin : " Mon Dieu, délivrez-moi de mes obsessions sexuelles, mais le plus tard possible… "

Le troisième entraînement

" Conscient de la souffrance provoquée par une conduite sexuelle inappropriée, je suis déterminé à développer mon sens de la responsabilité afin de protéger la sécurité et l’intégrité de chaque individu, des couples, des familles et de la société. Je m’engage à ne pas avoir de rapports sexuels sans amour ni engagement à long terme. Afin de préserver mon propre bonheur et celui des autres, je suis déterminé à respecter mes engagements ainsi que les leurs. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger les enfants des sévices sexuels et pour empêcher les couples et les familles de se désunir par suite de comportements sexuels inappropriés. " C’est une adaptation à une nouvelle réalité peut-être...

Quatrième entraînement

" Conscient de la souffrance provoquée par des paroles irréfléchies – j’ai beaucoup médité là-dessus ces derniers temps… – et par l’incapacité à écouter autrui, je suis déterminé à parler à tous avec amour afin de soulager leurs peines et de leur transmettre joie et bonheur. Sachant que les paroles peuvent être source de bonheur comme de souffrance, je fais le vœu d’apprendre à parler avec sincérité, en employant des mots qui inspirent à chacun la confiance en soi, la joie et l’espoir. Je suis déterminé à ne répandre aucune information dont l’authenticité ne serait pas établie et à ne pas critiquer ni condamner ce dont je ne suis pas certain. Je m’engage à éviter de prononcer des mots qui entraînent division ou discorde, une rupture au sein de la famille ou de la communauté. Je m’engage à fournir les efforts nécessaires à la réconciliation et à la résolution de tous les conflits aussi petits soient-ils. " C’est la voie des petites choses là aussi, mais c’est très exigeant.

Cinquième entraînement

" Conscient de la souffrance provoquée par une consommation irréfléchie, je suis déterminé à entretenir une bonne santé physique et mentale par la pratique de la pleine conscience lorsque je mange, bois ou consomme; ceci pour mon propre bénéfice, celui de ma famille ou de la société. Je suis déterminé à consommer des produits qui entretiennent la joie, le bien-être et la paix, tant dans mon corps que dans le corps et la conscience collective de ma famille et de ma société. Je suis déterminé à éviter de faire usage d’alcool ou d’autres formes de drogues et à ne prendre aucun aliment ou produit contenant des toxines – ce qui pour lui inclut aussi des produits qui sont psychologiques – (comme certaines émissions de télévision, magazines, livres, films ou conversations). Je suis conscient qu’en nuisant à mon corps et mon esprit avec ces poisons, je trahis mes parents, mes ancêtres, la société et les générations futures. Par la pratique d’une consommation raisonnable – c’est la simplicité volontaire – je m’engage à transformer la violence, la peur, la colère, la confusion qui sont en moi et dans la société. Je réalise qu’une discipline alimentaire et morale appropriée est indispensable à ma propre transformation et celle de la société. " Le moine révèle qu’il préfère s’abstenir totalement de toute drogue et de tout alcool, mais tel est son choix. C’est à chacun de décider.

Le respect de la vie

" Selon le bouddhisme, la compassion est la seule source d‘énergie qui soit sûre et utile. ".

Un peu plus loin dans son ouvrage, Thich Nhat Hanh revient à l’entraînement à la pleine conscience en développant le propos.

" Le Premier Entraînement provient de la conscience que partout des vies sont détruites. Nous voyons la souffrance causée par la destruction de la vie et formons le vœu de cultiver la compassion et de l’utiliser comme source d’énergie pour protéger les personnes, les animaux, les plantes et les minéraux. – C’est un entraînement d’une vision très large, pour sortir un peu de notre ordinaire.
" Le Premier Entraînement est un précepte de compassion, karuna – la capacité de faire disparaître la souffrance et de la transformer. Quand nous voyons la souffrance, la compassion est née en nous. Il est important de rester en contact avec la souffrance du monde. Nous avons besoin de nourrir cette conscience de diverses manières – par des sons, des images, en contact direct, des visites, etc. – afin de garder la compassion vivante en nous. Mais nous devons veiller à ne pas trop prendre sur nous. Tout remède doit être pris avec le dosage approprié.

" Nous avons besoin de rester en contact avec la souffrance afin de ne pas l’oublier, afin que la compassion s’écoule en nous et soit une source d’énergie pour nos actions. Si nous réagissons à l’injustice par de la colère comme source d’énergie, nous risquons de causer du tort et de le regretter par la suite. Selon le bouddhisme, la compassion est la seule source d‘énergie qui soit sûre et utile. Avec la compassion, notre énergie est née de la vision profonde; ce n’est pas une énergie aveugle. "

" Nous autres, humains, sommes entièrement faits d’éléments non humains tels que les plantes, les minéraux, la terre, le nuage, le soleil, poursuit-il. Pour que notre pratique soit profonde et vraie, nous devons inclure l’écosystème. Si l’environnement est détruit, nous serons détruits nous aussi. Il n’est pas possible de protéger la vie humaine sans protéger la vie des animaux, des plantes et des minéraux. " Ce n’est pas surprenant que cette question de l’écosystème se retrouve dans les propos d’un philosophe bouddhiste, parce que c’est explicite, en d’autres termes, dans la philosophie bouddhiste.

Je trouve que c’est étonnant de voir comment cette philosophie s’applique au monde dans lequel nous vivons maintenant. Selon lui, chaque pratiquant bouddhiste devrait être un protecteur de l’environnement.

La générosité

" Mais si nous sommes capables de visualiser des centaines de milliers de gens en train de mourir avec nous, notre mort sera plus sereine et même plus joyeuse. "

Thich Nhat Hanh développe le Deuxième Entraînement, qui est la pleine conscience de la générosité, dans un autre chapitre de son ouvrage.

" L’exploitation, l’injustice sociale, le vol prennent de nombreuses formes, explique-t-il. L’oppression est une forme de vol qui cause beaucoup de souffrance, aussi bien en Occident que dans le Tiers-Monde. Au moment où nous faisons le vœu de cultiver l’amour, l’amour est né en nous et nous faisons tout pour mettre fin à l’exploitation, à l’injustice sociale, au vol et à l’oppression. " Faire le vœu de cultiver l’amour, ça sort de l’ordinaire.
" Il faut du temps pour pratiquer la générosité, poursuit-il plus loin. Nous voudrions aider ceux qui ont faim mais nous sommes pris dans les problèmes de la vie quotidienne. Parfois un médicament ou un bol de riz pourrait sauver la vie d’un enfant, mais nous ne prenons pas le temps d’aider, parce que nous ne pensons pas pouvoir y parvenir. "

" En méditant, j’ai eu une image magnifique – la forme d’une vague, son début et sa fin. Quand les conditions sont réunies, nous percevons la vague et quand les conditions ne sont plus réunies, nous ne la percevons plus. Les vagues ne sont faites que d’eau. Nous ne pouvons pas décrire la vague comme existante ou non existante. Après ce que nous appelons la mort de la vague, rien n’est parti, rien n’est perdu. La vague est absorbée par les autres vagues, et un jour, le temps ramènera cette vague. – Je pensais que cette vague, dans sa pensée à lui, c’est chacun d’entre nous.

" Il n’y a ni croissance, ni décroissance, ni naissance ni mort. Si au moment de mourir nous pensons que tous les autres sont vivants et que nous sommes la seule personne à mourir, notre sentiment de solitude est insupportable. Mais si nous sommes capables de visualiser des centaines de milliers de gens en train de mourir avec nous, notre mort sera plus sereine et même plus joyeuse. ‘ Je meurs en communauté, des millions d’êtres vivants sont aussi en train de mourir en ce moment même. Je me vois avec des millions d’autres êtres. […] Je suis né, je meurs. Nous participons à ce grand Tout. ’ "

La responsabilité sexuelle et l’équilibre énergétique

" Une aventure sexuelle n’est pas de l’amour. L’amour est profond, beau et entier. "

" Dans la tradition bouddhiste, on parle de l’unité du corps et de l’esprit, explique Thich Nhat Hanh dans un autre chapitre. Tout ce qui arrive au corps arrive aussi à l’esprit. La bonne santé du corps est la bonne santé de l’esprit; le non-respect du corps est le non-respect de l’esprit. Quand on est en colère, on pourrait croire que la colère se situe dans nos émotions et non dans notre corps, mais ce n’est pas vrai. Lorsque nous aimons une personne, nous aimons être près d’elle, mais si nous sommes en colère contre elle, nous ne voulons pas la toucher ou qu’elle nous touche. Nous ne pouvons donc pas dire que le corps et l’esprit sont séparés.
" Une relation sexuelle est un acte de communion entre le corps et l’esprit. C’est une rencontre très importante qui ne doit pas être prise à la légère. Vous savez que dans votre âme, il y a des zones intimes – des souvenirs, de la douleur, des secrets – que vous n’aimeriez partager qu’avec la personne que vous aimez le plus, celle en qui vous avez le plus confiance. […] Il y a des endroits de notre corps que nous ne laissons approcher par personne sauf par ceux que nous respectons et aimons, ceux en qui nous avons le plus confiance. Quelqu’un qui nous considère avec respect, tendresse et sollicitude nous offre une communication profonde, une profonde communion. C’est la seule façon de ne pas nous sentir blessés, exploités ou abusés ne serait-ce qu’un peu. Mais pour cela, il faut que l’amour et l’engagement soient véritables. Une aventure sexuelle n’est pas de l’amour. L’amour est profond, beau et entier. "

Dans ce même chapitre, Thich Nhat Hanh aborde la question de l’engagement à long terme dans l’amour.

" Faut-il supprimer l’expression ‘ engagement à long terme ’ et parler plutôt d’engagement à court terme? demande-t-il. Un ‘ engagement à court terme ’ signifie que l’on peut être ensemble pendant quelques jours mais ensuite la relation se terminera. On ne peut pas dire que c’est de l’amour, ou que ce genre de relation soit basé sur l’amour. L’expression ‘ engagement à long terme ’ nous aide à comprendre le mot ‘ amour ’. Dans le contexte du véritable amour, l’engagement ne peut être qu’à long terme. ‘ Je veux t’aimer. Je veux t’aider. Je veux prendre soin de toi. Je veux que tu sois heureux. Je veux contribuer à ton bonheur. Mais juste pour quelques jours. ’ : cela a-t-il un sens?

" Vous avez peur de vous engager – que ce soit vis-à-vis des entraînements, de votre partenaire ou de toute autre chose. Vous voulez la liberté, mais souvenez-vous que vous devez prendre un engagement à long terme si vous voulez vraiment aimer votre fils – par exemple – et l’aider dans le voyage de la vie tant que vous serez de ce monde. […]

" Un engagement à long terme entre deux personnes n’est qu’un début. Nous avons aussi besoin du soutien des amis, de la famille. C’est pourquoi il existe la cérémonie du mariage. […]

" La force de notre sentiment l’un pour l’autre est très importante, mais elle ne peut suffire à assurer votre bonheur. S’il n’y a pas d’autres éléments, ce que vous décrivez comme étant réellement de l’amour pourrait rapidement prendre un goût amer. Le soutien des amis, de la famille tisse une sorte de filet. " Une sorte de réseau humain, en quelque sorte.

" Si votre énergie sexuelle vous rend malheureux au point de vous faire perdre votre paix intérieure, vous devriez apprendre à pratiquer de façon à ne pas causer de souffrance à autrui ni à vous-même, explique notre auteur. En Asie, on dit qu’il y a trois source d’énergie – l’énergie sexuelle, l’énergie de la respiration et l’énergie de l’esprit.

" La première est tinh, l'énergie sexuelle. Quand vous avez un trop plein d’énergie sexuelle, il y a un déséquilibre dans votre corps et dans votre esprit. Si vous n’apprenez pas à rétablir ce déséquilibre, vous risquez de vous comporter de manière irresponsable. Selon le taoïsme et le bouddhisme, il existe des pratiques qui peuvent vous aider à retrouver cet équilibre, tel la méditation et les arts martiaux. […]

" La deuxième source d’énergie est le khi, l’énergie de la respiration. La vie peut être décrite comme un processus qui ne cesse de brûler. Afin de brûler, chaque cellule de notre corps a besoin de nutriments et d’oxygène. Dans son Sermon sur le feu, le Bouddha a dit : ‘ Les yeux brûlent, le nez brûle, le corps brûle. ’ Dans notre vie quotidienne, nous devons cultiver notre énergie en pratiquant une bonne respiration. […]

" La troisième source d’énergie est le thân, l’énergie de l’esprit. Quand vous ne dormez pas bien la nuit, vous perdez une partie de cette énergie. Votre système nerveux est épuisé et vous avez du mal à étudier, à pratiquer la méditation ou à prendre une bonne décision. Vous n’avez pas l’esprit clair en raison d’un manque de sommeil, de trop de souci. L’inquiétude et l’anxiété épuisent cette source d’énergie. Alors cessez de vous faire du souci. Ne restez pas éveillé trop tard. Préservez votre système nerveux. Évitez l’anxiété. Ce genre de pratique permet de cultiver la troisième source d’énergie. Vous en avez besoin pour bien pratiquer la méditation. Une percée spirituelle nécessite la force de votre énergie mentale qui vient de votre capacité à vous concentrer et à préserver cette source d’énergie. "

jeudi 16 avril 2009

"LA DISSOLUTION DU MOI"


Les diverses expériences de la vie peuvent être toutes vues sous la forme d'un lâcher-prise des attachements, et donc d'une dissolution du moi.

Sous ce terme, l'on entend la perte, partielle ou totale, du sens de l'identité séparée, de tout ce qui fait que je m'appelle "moi" et me désigne par mon corps et ma personnalité.

Si cette identité est remise en cause et que cette croyance est ébranlée, ce n'est pas pour laisser place à un vide abscons, mais inviter un éveil à une plénitude de conscience, impersonnelle dans sa nature et omni-présente dans sa permanence.

Toutes les contrariétés sont des opportunités d'abandonner le désir que les choses soient différentes de ce qu'elles sont. Il ne s'agit pas ici d'une résignation, mais d'une intelligence nouvelle, qui n'entre pas en conflit avec la réalité de ce qui est, mais l'épouse et fusionne avec elle. Lorsqu'une situation est pleinement acceptée, le "je-conscience", immuable connaisseur du monde, s'affirme comme détaché de cette situation, qui est contenue en lui, mais n'est pas lui.

Telle la goutte de rosée qui n'affecte pas la feuille qui la supporte, le "je-conscience" est toujours libre des manifestations qui émergent et disparaissent en lui, n'étant rien en soi, mais tout en vérité.

Ce mélange, apparemment incompatible, du rien de l'absence du moi et du tout de la présence du Soi peut être vécu à chaque instant, dès lors que les attentes et projections diverses créées par le mental se résorbent dans la silencieuse attention qui les contient.

Accueillons donc cette possibilité de disparaître dans la transparence de la conscience, et de s'établir dans la joie qui lui est propre; une joie qui n'est plus soumise aux va-et-vient des circonstances, mais s'enracine dans la plénitude de l'être.

Jean-Marc Mantel

lundi 13 avril 2009

"INTRODUCTION A L'EVEIL SPIRITUEL"


Nous parlons d'éveil spirituel parce que la plus grande partie des êtres humains vit dans un certain sommeil.

Le sommeil désigne le fait de vivre dans l'illusion.

L'éveil spirituel est donc l'émergence de la conscience hors du monde fantasmagorique des illusions, un peu comme la conscience sort du sommeil après une nuit de cauchemars.

Quelles sont les illusions ?

- Croire que la vie s'organise par notre intelligence personnelle (contrôle, maîtrise, projections sur l'avenir) et perdre de vue l'Intelligence de la Vie qui organise toute chose.

- Croire que nous sommes une "personne solitaire", contre les autres, séparée de tous et en danger permanent (nécessité continuelle de se protéger) puis déplorer la guerre, le conflit, la violence et l'impossibilité à être réellement en relation qui en découle.

- Investir uniquement dans le transitoire comme s'il était éternel (famille, profession, propriétés ...) et se révolter amèrement contre le déchirement et la souffrance qui en découlent chaque fois que l'évanescence de nos projets se révèle.

- Croire qu'il existe un(e) (ou des) autres qui pourraient nous apporter le bonheur (le mythe de l'âme sœur) ou qui seraient au contraire responsables de notre malheur, puis pleurer parce que notre quête est sans fin et toujours frustrée.

- Croire en l'autorité et la suprématie de la pensée et de l'intellect (et donc du jugement) et souffrir de la division qu'ils engendrent.

Que produit l'éveil spirituel ?

L'éveil spirituel, par la dissolution des croyances évoquées ci-dessus, révèle notre unité intrinsèque avec les mouvements de la vie (contre lesquels nous luttions en permanence), notre lien avec nos congénères, l'éternité de l'existence (au-delà des projets et objets de l'univers personnel), la réalisation que nos illusions sont la cause unique de toute souffrance, ainsi que l'émergence de la joie et la paix qui naissent de l'accueil de ce qui est, l'ouverture du coeur qui en résulte relâchant spontanément l'emprise du mental, de la certitude intellectuelle et de tous les cadres étroits que nous avions pris pour "notre vie"...

Thierry Vissac


jeudi 19 mars 2009

"LA VOIE DE LA CONNAISSANCE"


Imprégné de sagesse traditionnelle Toltèque dès son plus jeune âge, Miguel Ruiz a commencé sa quête intérieure lors de ses études de médecine. Il nous parle ici du processus d’ouverture à la vision spirituelle, source de toute connaissance réelle.

Un accident de voiture, qui fut si grave que je faillis perdre la vie, fut une autre occasion qui me fut offerte de rencontrer la vérité. Il n’y a pas de mots pour expliquer ce que j’ai éprouvé, mais la vérité rendit évident que ce en quoi je croyais était un mensonge. Comme la plupart des gens, je croyais que j’étais mon mental, mon corps physique. Je vis dans mon corps physique; c’est ma demeure, et je peux la toucher. Dans mon expérience du seuil de la mort, je pouvais voir mon corps physique endormi au volant de ma voiture. Si je percevais mon corps physique de l’extérieur de mon corps, il était évident que je n’étais pas mon mental, ni mon corps physique. La question devint alors : Qui suis Je ? À partir du moment où je fis ce face à face avec la mort, je commençai à percevoir une autre réalité. Mon attention s’élargit tant qu’il n’y eut plus ni futur ni passé; il y avait seulement le maintenant éternel. La lumière était partout, et tout était plein de lumière. Je pouvais sentir ma perception traverser ces différentes réalités, jusqu’à ce que je recouvre l’attention, et sois en mesure de me concentrer sur un univers à la fois. J’étais dans la lumière, et c’était un moment de conscience totale, de perception pure. A un certain moment, je sus que la lumière a toute l’information au sujet de toute chose, et que tout est vivant. Je peux dire que j’étais avec Dieu, que j’étais dans la béatitude, que j’étais dans un état d’extase, mais ce ne sont que des mots que je connais.

Après l’accident, ma perception du monde changea encore, parce que je savais, d’une façon plus que théorique, que je ne suis pas ce corps physique. Et je commençai une quête qui était différente de ma quête avant l’accident.

Avant l’accident, le cherchais la perfection, une image pour satisfaire le personnage principal de mon histoire. Après l’accident, je sus que ce que je cherchais était quelque chose que j’avais perdu : moi-même.

Après cette expérience, je ne fus plus le même, parce que je ne pouvais plus croire à mon histoire. J’avais besoin de beaucoup de réponses, et je me mis à lire toutes sortes de livres pour les trouver. Certaines personnes décrivaient une expérience semblable, mais pratiquement personne ne pouvait expliquer ce qui était arrivé. Je terminai mes études de médecine, revins à la maison, et allai voir directement mon grand-père, pour lui raconter mon expérience. Il se mit à rire et dit : «Je savais que la vie te ferait voir la vérité avec la méthode forte. Et c’est ce qui t’est arrivé, parce que tu as toujours été obstiné.»

D’abord, il fut difficile de fonctionner dans la réalité ordinaire; surtout dans un hôpital, exerçant la fonction de médecin. J’avais l’impression que rien n’avait de sens, mais, à certains égards, je fonctionnais mieux. C’est comme si je pouvais voir deux réalités en même temps. Je pouvais voir ce qui est vraiment, mais je pouvais voir aussi les histoires. Et, à un certain moment, ce fut un grand choc de me voir mentir, et de voir mentir tous les gens qui m’entouraient. Je n’avais aucun jugement à ce propos, mais je pouvais voir les gens faire un non-sens de leur vie. Je pouvais les voir créer drame et douleur émotionnelle. Ils étaient bouleversés par des choses qui n’avaient aucune importance. Ils fabriquaient des histoires et mentaient à propos de tout. C’était quelque chose de stupéfiant, voire d’amusant, de les voir faire cela. Mais je devais m’empêcher de rire, parce que je sais qu’ils auraient pris cela personnellement. Ils ne pouvaient pas voir leurs propres histoires, parce qu’ils étaient aveugles.

Les gens ont le droit de vivre comme ils l’entendent. Mais si vous avez eu l’expérience que j’ai décrite, vous pouvez comprendre. Certainement, beaucoup de gens ont eu la même expérience, mais par peur, ils tentent de nier ce qui est arrivé. Souvent, pendant un atelier, je vois des gens aller très haut dans l’amour, et ils comprennent énormément de choses. Mais s’ils voient quelque chose dans leur histoire qu’ils n’aiment pas, ils nient toute l’expérience et prennent la fuite, en émettant beaucoup de critiques. C’est ce qui arrive tout le temps, mais c’est très bien comme ça, parce que c’est toute la vérité qu’ils peuvent manier.

Il m’a fallu beaucoup d’années pour triompher dans le conflit entre la vérité et ce qui n’est pas la vérité, parce que nos mensonges sont très séduisants. La tentation de croire aux mensonges est très forte, mais l’accident de voiture me projeta à un autre point de référence. Et maintenant, je sais qu’il y a une autre réalité, ici et maintenant, et qui est plus que la réalité de lumière et de son que nous percevons ordinairement. Il y a beaucoup de réalités, mais nous ne percevons que celle sur laquelle nous concentrons notre attention.

Je peux dire, selon mon histoire, que la réalité dont j’ai fait l’expérience est une réalité d’amour. L’énergie de l’amour est comme la lumière qui vient du soleil. La lumière du soleil se divise en des milliers de couleurs différentes, et la lumière semble différente selon la surface qui réfléchit la lumière. C’est pourquoi nous pouvons voir des couleurs différentes, des formes différentes. Pour moi, c’est la même chose qui se produit dans cette réalité de l’amour. On perçoit le reflet des émotions venant de chaque objet, et, comme pour la lumière, l’émotion de l’amour semble différente, selon ce qui reflète l’amour. Le corps émotionnel crée une entière réalité devant vos yeux, à la place de la réalité de la lumière. Bien sûr, c’est presque impossible de traduire cela en mots, mais je pense que ça vaut la peine d’essayer.

Je voudrais que vous fassiez usage de votre imagination pour essayer de comprendre ce que je dis. Je voudrais que vous imaginiez que les êtres humains ont été aveuglés pendant des milliers d’années. Nous n’avons aucune idée de l’existence de la lumière, parce que nous ne voulons tout simplement pas ouvrir les yeux. Mais nous développons nos autres sens, et nous créons une réalité entièrement virtuelle grâce au son. Comme des chauves-souris, nous reconnaissons les objets grâce à la résonance du son. Nous donnons un nom à chaque objet, chaque émotion; nous créons un langage, nous créons la connaissance, et nous communiquons grâce au son. C’est notre réalité - une réalité du son.

Alors, comment pouvez-vous expliquer une couleur ou une forme, l’aspect d’un papillon ? Comment pouvez-vous partager cette expérience avec d’autres gens s’ils n’ont jamais vu la lumière ? Comment pouvez-vous croire que la réalité du son soit la seule qui existe ? Maintenant nous pouvons comprendre pourquoi Moïse descendit de la montagne et parla de la «terre promise». Nous pouvons comprendre ce que le Christ ressentit après avoir passé quarante jours dans le désert, quand il parla du Royaume du Ciel. Ou quand le Bouddha eut son grand éveil sous l’arbre de la bodhi, et parla du Nirvâna. Quand vous ouvrez votre oeil spirituel, la première chose que vous dites, est : «Je suis avec Dieu et les anges. Je suis au ciel, au paradis, où tout est si beau. Dans la cité de Dieu, seule la beauté et la bonté existent; il n’y a pas de place pour la peur ou la souffrance. Il n’y a que beauté.» Les gens voient que vous avez changé. Ils voient votre réaction émotionnelle et savent que quelque chose de profond vous est arrivé.

Selon mon point de vue, la réalité dont j’ai fait l’expérience est tout cela ensemble; c’est tout le temps l’extase. Dans ma mythologie personnelle, j’ai fait l’expérience de la réalité de la vérité, la réalité de l’amour. C’est une réalité qui appartient à nous tous, mais, tout simplement, nous ne la voyons pas. Et si nous ne la voyons pas, c’est parce que nous sommes aveuglés par tous les mensonges pluri-millénaires. Si vous pouvez ouvrir ce que j’appelle les yeux spirituels, vous percevrez ce qui est sans les mensonges, et je peux vous assurer que votre réaction émotionnelle sera prodigieuse. Pour vous, que votre histoire soit juste un rêve, ce n’est plus une théorie. Le paradis est la vérité, mais l’histoire que vous percevez maintenant n’est pas la vérité; c’est une illusion.

Ce qui est réel est très beau, et il n’y a pas de mots pour l’expliquer, mais c’est là. Il y a toute une réalité créée par le reflet des émotions, et dans cette réalité, vous pouvez voir que ce qui est réel, c’est votre amour. Je sais que je percevais cette réalité avant d’avoir appris à parler. Je sais que, avant la voix de la connaissance, nous percevions tous cette réalité tout le temps. Ce que vous êtes est quelque chose d’incroyablement magnifique. Et pas seulement les êtres humains, mais aussi chaque animal, chaque fleur, chaque rocher, parce toutes les choses sont pareilles. Quand vous ouvrez votre oeil spirituel, vous voyez la simplicité de la vie. Je suis la vie, et vous êtes la vie. Il n’y a pas d’espace vide dans l’univers, parce que chaque chose est pleine de vie. Mais la vie est une force que vous ne pouvez voir. Vous voyez seulement les effets de la vie, le processus de la vie en action. Vous voyez une fleur s’ouvrir ou un arbre dont les feuilles changent de couleur et tombent sur le sol. Vous voyez un enfant grandir. Vous voyez un humain vieillir. Vous avez le sens du temps, mais ce n’est rien que la réaction de la vie passant à travers la matière. Vous ne vous voyez pas vous-même, mais vous voyez la manifestation de la vie dans votre corps physique. Si vous pouvez bouger votre main, vous pouvez voir la manifestation du fait d’être vivant. Si vous entendez votre voix, vous entendez la manifestation du fait d’être vivant. Vous voyez votre propre corps physique, et vous le voyiez alors que vous aviez de petites mains et une peau très fraîche, puis de grosses mains. Vous voyez tous ces changements dans votre propre corps physique, mais vous sentez encore que vous êtes la même personne.

La meilleure description de ce que vous êtes que je peux faire, c’est que vous êtes une force de vie qui transforme tout. Cette force fait mouvoir chaque atome de votre corps physique. Cette force crée chaque pensée. L’esprit de la vie s’exprime au moyen de votre corps physique, et votre corps physique peut dire : «Je suis vivant», parce que cette force de transformation vit dans chaque cellule de votre corps physique. Cette force a la conscience de percevoir une entière réalité, cette force sent toutes choses. Votre corps physique vous perçoit maintenant. Votre corps peut vous sentir, et quand votre corps vous sent, il entre en extase. Votre mental peut aussi vous sentir, et quand votre mental vous sent, vous pouvez éprouver un amour et une compassion si intenses, que vous ne pensez plus.

Je vois mon corps physique comme un miroir où la vie, grâce à la lumière, peut se voir elle-même. Je vois mon corps physique comme l’évolution de la vie. La vie évolue, elle fait pression sur la matière, elle crée. La création de l’humanité n’est pas achevée. La création de l’humanité se produit maintenant dans votre corps physique. Cette force vous aide à évoluer. Cette force vous fait percevoir, analyser, rêver, et créer une histoire au sujet de tout ce que vous percevez.

La vie est cette force que Dieu utilise pour créer toute chose à tout instant. Il n’y a pas de différence entre les humains, les chiens, les chats, les arbres. Tout est mû par la même force de vie. Selon mon point de vue, je suis cette force. Grâce à la vie, je crée mon art, je crée toute mon expérience, et c’est stupéfiant. A cause de moi, j’ai des émotions. A cause de moi, je crée de la connaissance, et je peux parler. A cause de moi, je crée l’histoire. La force qui me fait penser et raconter mon histoire, est la même force qui vous fait lire et comprendre. Il n’y a pas de différence, et cela se produit maintenant. Je me vois vieillir, et je sais qu’un jour je quitterai ce corps physique. Quand je quitterai ce corps physique, le corps retournera à la terre, mais la vie ne peut être détruite. La vie est éternelle. Il fut très clair pour moi, quand je fis ma rencontre avec la vérité, que la vie est une force unique agissant dans des milliards de directions dans la création de l’univers. Cette force ne meurt jamais. Nous sommes la vie, et la vie est immortelle. Nous sommes indestructibles, et je pense que c’est une très bonne nouvelle.

Une fois que votre œil spirituel s’est ouvert, vous voyez le rêve de votre vie, vous voyez combien de fois vous avez gaspillé votre vie en intérêts mesquins, en jouant avec ce drame insensé et insignifiant. Vous voyez comment vous vous empêchez de jouir d’une réalité d’amour, une réalité de joie.

Nous ne sommes tous qu’un seul être vivant, et nous venons du même endroit. Il n’y a aucune différence entre nous; nous sommes pareils. Vous pouvez regarder votre main, et voir qu’il y a cinq doigts. Si vous fixez votre regard sur un doigt à la fois, vous pouvez croire qu’ils sont différents, mais c’est une seule main. C’est la même chose avec l’humanité. Il y a seulement un être vivant, et cet être est une force qui meut chacun de nous, comme un doigt d’une main. Mais tous les doigts appartiennent à une seule main. Les humains partagent le même esprit; nous partageons la même âme. Il n’y a pas de différence entre moi et vous - pas à mes yeux. Je sais que je suis vous, et je n’ai aucun doute parce que je peux voir de cette façon.

Derrière votre histoire, il y a le vous véritable, et il est plein d’amour. La bonté est juste là, parce que ce que vous êtes est bonté. Vous n’avez pas à essayer d’être bon; vous devez juste cesser de prétendre être ce que vous n’êtes pas. Vous êtes un avec Dieu, et cette union est sans effort. Dieu est ici, et vous pouvez sentir la présence de Dieu. Bien sûr, si vous ne ressentez pas la présence de Dieu, vous devez vous détacher de l’histoire, parce que la seule chose qui s’interpose entre vous et Dieu, c’est votre histoire.

Quand vous vous êtes vous-même trouvé, que vous avez découvert qui vous êtes vraiment, vous ne pouvez expliquer ce que vous êtes, parce qu’il n’y a pas de mots pour le traduire. Si vous utilisez la connaissance, vous ne savez jamais qui vous êtes, mais vous savez ce que vous êtes parce que vous existez. Vous êtes vivant, et vous n’avez pas besoin de justifier votre existence.

Don Miguel Ruiz et Janet Mills
[Guy Trédaniel Editeur]

lundi 16 mars 2009

"DEMEURER DANS LA CONSCIENCE NUE"


Dans cet ouvrage (Bonheur de la méditation - Éditions Fayard), unique en son genre, Mingyour Rinpotché révèle les bienfaits réels de la méditation en établissant un pont entre les enseignements millénaires du bouddhisme et les découvertes les plus récentes de la science moderne, et plus particulièrement les neurosciences. Il n’est plus question d’opposer science et bouddhisme puisque l’une prouve les effets positifs de l’autre sur le cerveau.

Ainsi, si vous souhaitez découvrir la réalité de l’esprit et du monde par des moyens qui vous sont personnels, vous libérer des schémas de pensée qui voilent votre véritable nature et vous maintiennent dans l’illusion et la souffrance, Y. M. Rinpotché saura vous guider de façon utile et, surtout, rendre les méthodes de méditation accessibles. Grâce à de nombreux exemples, il vous dévoilera en effet que de simples exercices quotidiens de méditation (au bureau, dans le métro ou dans la rue) et de courte durée (un quart d’heure par jour), consistant à laisser aller et venir vos pensées sans y attacher d’importance mais sans les rejeter non plus, peuvent changer votre vision du monde et répondre à vos préoccupations essentielles.

Extrait de la préface de Matthieu Ricard :

Mingyour Rinpotché occupe une place unique dans le dialogue et la coopération entre science et bouddhisme, qui ont pris un essor tout particulier durant la dernière décennie. Bien que son père, maître tibétain renommé, lui ait initialement conseillé d'entreprendre des études philosophiques, à l'âge de treize ans Mingyour Rinpotché décida d'effectuer deux longues retraites contemplatives qui durèrent sept ans. Lors des voyages qu'il fit par la suite de par le monde, il conçut un profond intérêt pour les sciences modernes, et tout particulièrement pour les neurosciences et la physique quantique. Les neurosciences ont pour objet l'étude empirique du phénomène de la conscience, des événements mentaux et des émotions, autant de sujets sur lesquels le bouddhisme se penche depuis 2500 ans. La mécanique quantique, par des méthodes qui lui sont propres, aboutit à une description de la réalité très proche de celle du bouddhisme, selon laquelle le monde des phénomènes est un ensemble de relations, d'événements interdépendants et impermanents, et non une collection d'entités autonomes douées d'existence propre. Mingyour Rinpotché rejoint la démarche du XIVe Dalaï-lama, dont la curiosité pour les découvertes de la science et l'intérêt pour la démarche scientifique elle-même ont conduit à la création de l'institut Mind and Life par le regretté spécialiste des sciences cognitives Francisco Varela et l'avocat Adam Engle. Cet institut réunit autour du Dalaï-lama des scientifiques de haut niveau et organise depuis 1985 une série de rencontres passionnantes. De même que le Dalaï-lama, Mingyour Rinpotché considère le bouddhisme comme étant, avant tout, une science de l'esprit. Cela n'a rien de surprenant, puisque les textes bouddhistes insistent particulièrement sur le fait que toutes les pratiques spirituelles, mentales, physiques ou verbales visent directement ou indirectement à transformer l'esprit. Cependant, comme l'écrit Mingyour Rinpotché, «l'une des principales difficultés que l'on rencontre en essayant d'examiner son esprit est la conviction profonde et souvent inconsciente que l'on est comme on est, et que l'on n'y peut rien changer. J'ai moi-même éprouvé ce sentiment de pessimisme inutile dans mon enfance, et je l'ai constaté très souvent chez les autres au cours de mes voyages dans le monde. Sans même que nous en soyons conscients, l'idée que notre esprit ne peut pas changer empêche d'emblée toute tentative de changement». L'état que nous considérons généralement comme «normal» n'est qu'un point de départ, et non le but que nous devons nous fixer. Notre existence vaut mieux que cela ! Il est possible de parvenir peu à peu à une manière d'être «optimale». Pour ce faire, l'introspection bouddhiste a recours à deux méthodes : l'une analytique, l'autre contemplative. L'analyse consiste à examiner la nature de la réalité, laquelle est essentiellement interdépendante et impermanente, et à évaluer honnêtement les tenants et les aboutissants de nos souffrances et de celles que nous faisons subir aux autres. L'approche contemplative consiste à tourner son attention vers l'intérieur et à observer, derrière le voile des pensées et des concepts, la nature de la «conscience originelle» qui sous-tend toute pensée et permet leur formation. Cette faculté fondamentale de «connaître», que l'on peut appeler «conscience pure», existe en l'absence de constructions mentales et d'objets de pensée.

Comme l'explique Mingyour Rinpotché, «le véritable but de la méditation est de demeurer dans la conscience nue, quoi qu'il se passe ou ne se passe pas dans l'esprit. Peu importe ce qui se présente à vous, restez simplement ouvert et présent à ce phénomène, puis laissez-le disparaître. Si rien ne se produit, ou si les pensées s'évanouissent avant que nous les ayez remarquées, demeurez simplement dans cette clarté naturelle.»

Mingyour Rinpotché

http://eveilimpersonnel.blogspot.com/

mercredi 4 mars 2009

"ENTRETIEN AVEC TAISEN DESHIMARU"


Le mot japonais « zen » et le mot chinois « ch’an » qui définissent des écoles du bouddhisme, viennent du sanscrit dhyana et signifient « méditation ». La saveur du zen se confond donc avec l’esprit de la méditation assise préconisée par le Bouddha. Tous les grands maîtres de cette tradition ont toujours prétendu que les êtres humains se devaient de guérir, de pacifier leur propre esprit et que, dans cette démarche-là, se trouvait la solution des maux de l’humanité.


Dans cet entretien effectué peu avant sa mort en 1982, le grand maître zen nous parle de la méditation comme voie pour équilibrer notre entité psychosomatique aux prises avec les pollutions extérieures et intérieures. Ce mondo privé (questions-réponses) eut lieu un soir dans son appartement. Nous avons tenu à garder, dans la traduction de son anglais, toute la saveur abrupte de ce qu’il appellait son « zenglish ».

Nouvelles Clés : Quel est l’acte qui importe le plus dans le zen ?

Maître Taïsen Deshimaru : La posture. C’est la posture de méditation qui est la plus importante. Le zazen.

N. C. : Pourtant, il est dit que le zen n’a rien à voir avec la position couchée, assise ou debout ?

T. D. : Oui, l’esprit du zen transcende toutes les catégories. Mais on dit aussi que le zen, c’est zazen, que la posture elle-même est satori, éveil.

N. C. : Pouvez-vous expliquer cela ?

T. D. : Nous sommes sans cesse en train de courir, de penser, d’errer à la recherche de quelque chose.

Se mettre dans la posture, faire zazen, permet d’arrêter le mouvement, de stopper le processus de fuite en avant, ce processus qui fait que l’on se retrouve à l’heure de sa mort en ayant gâché sa vie dans l’illusion de la vivre.

N. C. : Le zen, c’est donc l’arrêt du geste ?

T. D. : Avant tout il faut arrêter les habitudes, stopper le déroulement du karma, cet enchaînements des causes et des effets dans notre vie quotidienne, le laisser filer loin de nous comme des nuages filent au-dessus de la montagne sans jamais l’emprisonner. Une partie du malheur de l’humanité vient du fait que les gens ne savent pas se libérer de l’emprise de leur karma, de l’attachement à leur histoire personnelle.

N. C. : Mais le karma, c’est aussi la famille, le enfants, les amis, le travail. On ne peut abandonner tout cela...

T. D. : Il ne s’agit pas d’abandonner mais de lâcher prise... Quand on dit que les moines doivent abandonner leur famille cela ne veut pas dire qu’ils doivent la laisser mourir de faim. Non. Il s’agit en fait de ne plus être attaché à l’esprit des choses, d’avoir une certaine distance par rapport aux émotions qu’elles suscitent. La compassion n’est pas sentimentalisme geignard, mesquin et confortable mais vrai amour qui aide. Et puis le karma est à l’oeuvre dans notre cerveau : karma du passé, du présent et du futur s’y mélangent, donnent une vraie soupe nauséabonde ! Vous connaissez l’histoire de la vieille vendeuse de gâteaux qui dit au jeune moine qui veut lui en acheter un : « Avec quel esprit allez-vous manger ce gâteau ? Avec l’esprit du passé, du présent ou du futur ? » Le jeune moine s’enfuit car il est trop sot pour répondre ! Le karma est aussi créé par le trop-plein de pensées, de désirs, de rêves qui s’agitent dans nos têtes. La plupart des gens font ainsi plus de sexe avec leur tête qu’avec leur bol ou leur bâton ! (rire tonitruant).

La posture immobile permet de couper le karma : Je dis toujours : Laissez passer les pensées comme les nuages dans le ciel, laissez passer, passer, passer... Il faut épuiser le trop-plein de pensées, alors le cerveau peut recevoir de nouvelles informations. Une bouteille pleine ne peut plus rien contenir ; une bouteille vide, oui. Mais pour bien laisser passer, il faut se concentrer sur la posture de méditation : dos droit, bassin basculé, nuque droite, pouces qui ne doivent faire ni montagne ni vallée, yeux mi-clos, se concentrer sur l’expiration la plus longue possible jusque dans le hara, le kikai tanden, l’océan de l’énergie qui se situe dans l’abdomen. Vos postures ne doivent pas être comme des bouteilles de bières éventées ! Elles doivent être fortes, riches, belles, alors l’harmonie en vous, la sagesse apparaît. La vraie sagesse se trouve dans l’effort de l’immobilité. L’effort juste est le plus important.

N. C. : Quelle différence y a-t-il entre le raja yoga et le zazen ? C’estfinalement toujours de la méditation, jambes croisées en lotus ou demi-lotus !

T. D. : La différence ? C’est le coussin ! (rire). Ce n’est pas une plaisanterie. C’est le zafu, le coussin rond que l’on met sous ses fesses ! Ce simple coussin permet d’équilibrer complètement la posture, de l’ancrer dans le sol, les deux genoux touchent la terre, le coussin donne tout son sens à la beauté de l’assise. Essayez de croiser les jambes en lotus sans coussin et vous verrez la différence. Il y a toujours un genou qui se soulève, même légèrement, et toute la posture n’est pas aussi belle. Ni aussi efficace.

N. C. : Oui. Cette invention du coussin remonte d’ailleurs au Bouddha qui demanda un jour à un paysan qui fauchait son champ de lui couper de l’herbe sala, une herbe très souple, pour s’en confectionner un siège permettant d’équilibrer l’assise.

T. D. : Vrai. Vrai (True. True). Bouddha a trouvé la voie du milieu. Il avait vécu une vie de prince trop molle, puis une vie d’ascète trop exacerbée, il comprit que seul un juste équilibre permettait de trouver sa vérité propre. Ce n’était pas un hystérique comme beaucoup de spiritualistes !

N. C. : Un instrument de musique doit être justement accordé pour faire de la musique, l’histoire estfameuse...

T. D. : Oui. Et notre corps est comme un instrument de musique qu’il faut savoir accorder pour bien jouer la vie. Pour apprendre à « négocier la Voie », dit-on dans le zen.

N. C. : Quels sont les grands reproches que vous faites à nos contemporains ?

T. D. : D’être trop faibles (too weak).

La posture de méditation peut les rendre forts. C’est la civilisation qui les rend faibles, il y a trop de tout, trop à manger, trop de bruit, trop de publicité, trop d’images, trop de sexe ; trop, trop. Tout le monde est intoxiqué, hystérique, la voie naturelle est oubliée...

N. C. : Comment voyez-vous l’avenir ?

T. D. : Beaucoup de destructions, toujours davantage de pollutions. L’espèce humaine ne pourra se sauver que par la sagesse. La sagesse doit s’élever de l’humanité.

N. C. : Le simple fait de pratiquer zazen peut- il aider à réaliser cela ?

T. D. : Sur le plan personnel, certainement. Sur le plan collectif, le grain de sable de la sagesse peut enrayer la machine emballée. Peut- être... (Maybe...) Il faut le croire, fortement (strongly), il faut pratiquer, fortement. Une posture juste influence le monde entier... (silence) ...comme un sourire influence tout le monde autour de vous. Il y a une grande différence entre les réactions suscitées par un sourire ou celles déclenchées par une insulte. Faire gassho (saluer les mains jointes) est mieux que dresser le poing ! Et une main ouverte saisit plus que qu’un poing fermé...

N. C. : Vous êtes donc confiant ?

T. D. : A la fin (at to the last) toutes les bulles d’air à la surface d’un cours d’eau font « plop » et reviennent se fondre à ce cours d’eau. Alors... ce n’est pas la peine de se poser trop de questions : comment va finir l’humanité, comment vais-je mourir, combien de temps mes enfants vont-ils vivre, comment vais-je survivre, quand est-ce que je vais rencontrer la femme de ma vie, quand est-ce qu’un homme va coucher avec moi... Quand, comment, pourquoi, on se torture sans cesse avec des questions inutiles. L’important est l’action : ici et maintenant, agir. La réponse aux questions vient toujours assez vite. La vie est comme une ligne faite de points. Chaque instant est un point. Plus chaque instant est vécu fort, plus les points, et donc la ligne, sont forts. Il faut tracer sa vie, fortement. La posture de méditation aide, c’est tout. Elle aide à guérir le corps et l’esprit.

N. C. : Vous dites aussi souvent que faire zazen, c’est entrer dans son cercueil. Qu’ est-ce que cela veut dire ?

T. D. : C’est votre koan ! (rire tonitruant).

N. C. : Je peux y répondre ?

T. D. : Certainement.

N. C. : Voilà. Dans la posture on retrouve un état qui existe avant notre naissance et après notre mort. On ressent un vide qui préexiste à notre existence. Si on devient vide (ku) on rejoint l’énergie primordiale (ki). C’est ça ?

T. D. : Comme vous voulez ! N’oubliez jamais cette phrase de l’Hannya Haramita Shingyo(le sutra de la Grande Sagesse que l’on chante souvent dans les dojos zen, à la fin des zazen du matin) :

Ku soku ze shiki

Shiki soku ze ku

Le vide crée le phénomène

Le phénomène créé le vide.

Il faut voir au-delà de la dualité. Au-delà du par-delà...

N. C. : Sensei, vous dites souvent que les gens sont trop égoïstes. Comment remédier à cela ?

T. D. : Par la pratique de la méditation, par le zazen, les bonnos (illusions, travers, défauts) décroissent naturellement, inconsciemment, automatiquement. Regardez-vous : avant, vous ne pensiez qu’à vous, maintenant vous faites des livres pour les autres (rires) ! Les Occidentaux ont cru jusqu’à maintenant que le zen est une philosophie intellectuelle. Or, au contraire, pratiquer le zen consiste à penser avec son corps, c’est unir le corps et l’esprit, c’est une sagesse du corps. Ch’an, zen, dhyana, zazen, tous ces mots définissent la méditation qui est pratique de tout le corps. Ainsi peut-on équilibrer les deux cerveaux. L’être moderne est gravement malade : la pratique de la méditation peut l’aider à devenir sain. Ce n’est pas la peine de s’enfuir dans une grotte dans la montagne pour cela. La posture elle-même est la grotte et la montagne. Où que vous soyez existe la vraie liberté, celle du poisson dans l’eau ou de l’oiseau dans le ciel. Mais on peut amener un cheval à la rivière, c’est à lui de boire... Transformer son karma reste l’affaire de chacun !

À lire :

- Sur les pas du Bouddha, ouvrage qui retrace la vie, la philosophie du Bouddha et le voyage que Marc de Smedt fit sur leurs traces en Inde, éd. Albin Michel, coll. Espaces Libres Poche.
- Zen et psychosomatique, par maître Deshimaru et le professeur Ikemi, éd. Albin Michel.
- Les autres ouvrages majeurs de maître Deshimaru : La pratique du zen, Zen et Arts martiaux, Zen et vie quotidienne, L’anneau de la voie..., se trouvent en poche chez Albin Michel dans la collection Spiritualités Vivantes.

Propos recueillis par Marc de Smedt

http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=518

jeudi 12 février 2009

"L'AUBE DE LA KUNDALINI SE LEVE SUR L'OCCIDENT"


Le Yoga et le Tantrisme viennent de révéler aux Occidentaux l'étrange secret de l'éveil de la Kundalini, cette énergie lumineuse ascendante qui remonte soudain le long de la colonne vertébrale. Elle transforme complètement l'être, le branche sur une autre réalité, lui donne une nouvelle vision du monde et souvent des pouvoirs prodigieux.

Les montées sauvages de kundalini se multiplient à notre époque et provoquent des malaises divers, qu'encore trop de médecins et psychiatres ne savent pas bien reconnaître. Pourquoi donc ?

Cette multiplication actuelle semble arriver à point pour aider à la mutation indispensable de l'humanité et la faire entrer dans une nouvelle ère, comme l'expliquent tous les textes traditionnels.

Le plus stupéfiant est que la science confirme complètement cette découverte avec la notion expérimentale de physio-kundalini.

Par là est enfin fournie la clé du Caducée, avec ses deux serpents entrecroisés, symbole universel des médecins et des professions de santé depuis les Grecs. Ce signe de vie s'est perpétué depuis l'Arbre de Vie du Paradis jusqu'à la double hélice de l'ADN.

L’Inde vient de transmettre à l’Occident l’étrange secret d’une énergie ascendante le long de la colonne vertébrale qui provoque une transmutation de l’être humain. La puissance du serpent enroulé (kundalini) autour de l’Arbre de Vie au centre du Jardin d’Eden était le secret préservé de la non-mort éternelle. Il a été perdu et restait défendu par l’Archange à l’épée de feu. Puis Dionysos, le deux fois né, a retrouvé le secret aux Indes, a reçu l’initiation et en a ramené la transmission en Grèce. Et ceux qui avaient éveillé leur kundalini avaient, pour le montrer le droit de porter sa représentation : le serpent dressé entre les deux serpents enlacés. Ce Caducée passe d’Hermès Trismégiste aux Hérauts, ambassadeurs invulnérables, puis aux prêtres d’Asklépios et par là à tout corps médical, garant, en principe, de la vraie vie.

Cet antique secret, si bien caché, est maintenant divulgué, car les temps sont venus où ce qui était réservé à une toute petite élite d’initiés, doit être offert à tous. Cela constitue en effet la phase ultime de l’évolution de l’espèce humaine. Elle passe du physique au spirituel par une mutation. Dans les malheurs et les difficultés du Kali-Yuga, l’âge de fer, la seule chance pour l’humanité de survivre est de passer à un autre plan de conscience et d’accéder au monde des dieux par l’éveil de la kundalini.

Les premiers témoignages sérieux de la possibilité d’une telle transformation ont été publiés dans les années 1970. Et depuis ils n’ont pas cessé de se multiplier sous forme d’expériences sauvages. Il est temps maintenant de confronter ces témoignages avec les textes sacrés pour en permettre une meilleure connaissance.

C’est ce que demandait déjà Tara Michael en 1978 : « Ce serait le digne objet d’une recherche, qu’elle soit « scientifique » comme le propose Gopi Krishna ou non, que de comparer les différents témoignages d’authentiques éveils de kundalini, ainsi que des descriptions des textes traditionnels afin de dégager ces constantes et d’entrevoir aussi les variétés, les différences et les modalités diverses dont ces expériences sont riches ». Et c’est ce que redit Jacques Vigne en 1996 : « Certainement une étude concrète et théorique du Yoga de la Kundalini sera un élément important de la spiritualité du XXIème siècle ».

Pour cela l’essentiel est de commencer à déterminer avec précision ce dont il est question et de définir notre objet de recherche.

Qu'est ce que la la kundalini?

La kundalini est l’Energie des Profondeurs dans le monde et dans l’homme. C’est l’axe dressé au centre de l’univers et de la personne. C’est une énergie divine d’une force inouïe à manipuler avec précaution après une longue préparation et une exacte purification du corps humain.

Comme elle est à la source de la vie et à la porte du sacré, on comprend qu’elle soit restée secrète.

C’est une énergie sous la forme d’une Déesse serpentine, une union entre la femme et le serpent. Elle est l’énergie cosmique de CITI la conscience divine. Elle est de nature féminine, apparentée à la Shakti (la Déesse) et à Maya (l’Illusion), sous l’apparence d’un serpent (naga), le Cobra femelle blanc. Elle remonte donc au culte des serpents aux Indes, originaire de la première civilisation tribale des Mundas. Le monde entier repose sur un serpent, Ananda l’infini ou Adi shesa, le serpent primordial. Ce serpent des profondeurs, le Non-Né à un seul pied, au poison redoutable a été absorbé par le masculin, le Dieu Shiva, l’ascète. Pour sauver la terre de la destruction, il a bu le poison, n’en est pas mort mais en a gardé pour toujours la gorge bleue (Nilakanta). Ainsi sommes-nous avertis que l’abord de cette énergie serpentine féminine n’est pas sans risque pour le masculin.

D’ailleurs le souvenir du pouvoir conféré par la Femme-Serpent n’est pas ignoré dans nos régions. Il y a d’abord la Vouivre qui est un serpent qui porte une pierre précieuse enchassée au troisième œil, une escarboucle. La richesse et le pouvoir sont promis à l’homme qui arrivera à la lui ôter, mais à ses risques et périls. Il existe aussi en Vendée une Fée sous forme d’une femme-serpent : Mélusine. Elle est la protectrice de la famille des Lusignan (Mère Luse), qui fournira le dernier roi de Jérusalem.La kundalini : du biologique ou du spirituel ?

Le critère est simple et définitif et il a été donné par Swami Muktananda : « Une expérience de kundalini véritable est celle qui laisse un effet permanent, un changement positif dans la vie ».

Le problème essentiel est que d’une Déesse, forme individuelle de la Conscience Universelle CITI, on fait une simple énergie biologique. Par là les médecins et les scientifiques pourraient percer le secret de la vie et forcer le ciel.

Mais il existe une ironie du destin. Ceux qui veulent une montée de kundalini et qui font pour cela du yoga pendant de nombreuses années n’y arrivent jamais ou très rarement. Par contre des personnes qui ne l’ont jamais cherché et qui n’y ont jamais pensé sont victimes de montées sauvages de kundalini et bien d’autres ont des troubles divers qu’ils décorent du nom de kundalini.

Il nous reste à comprendre pourquoi ?

La transmission doit se faire dans une initiation personnelle avec l’ouverture des chakras selon les degrés de la sensibilisation et des transmissions d’énergie.

Marc-Alain Descamps
["L'Eveil de la Kundalini" Editions Alphée]


"Le point de vue du psychiatre Lee Sanella"

Dans le livre, « Spiritual Emergency, when personal transformation becomes a crisis » Stanislav Grof et son épouse Christina ont rassemblé une série d'articles d'une valeur particulière.
Des psychiatres, des psychologues, des maîtres spirituels ont exprimé leur avis sur les problèmes psychiques qui peuvent survenir comme conséquence d'un développement et d'une croissance spirituelle.
Lee Sannella, également psychiatre, ayant une connaissance étendue dans le domaine de la médecine holistique, a attiré pour la première fois l'attention du monde médical sur le phénomène de la Kundalini.
Dans son livre "The Kundalini Experience : Psychosis or Transcendence"(*) il mentionne différents symptômes spirituels et physiques qui pourraient être une forme d'expression de l'éveil de La Kundalini, présente chez tout le monde à la base de la colonne vertébrale, à l'état de sommeil.
Le réveil et l'ascension de cette énergie, le long de la colonne jusqu'au sommet de la tête, enclenchent un processus spirituel qui, dans certains cas, peut provoquer divers symptômes graves.
Dans "Spiritual Emergency" Lee Sannella écrit un article qui éclaire son point de vue.

L'énergie de la Kundalini a pour fonction d’éliminer le stress en levant les blocages de notre système nerveux. Le processus complet de l'éveil de la Kundalini est essentiellement une méthode de purification ou un processus de rééquilibrage. Dans la vision classique, l'énergie voyage du bas de la colonne vertébrale, de notre coccyx, le long de la colonne à travers les différents chakras ou centres nerveux, jusqu'au sommet de la tête. Pourtant, il peut aussi se produire que l'énergie descende du front, via la poitrine vers le ventre. Sannella suppose que cette énergie devrait être mesurable par des tests psychologiques ou physiologiques. En tant que psychiatre, il s'est surtout intéressé aux différences des symptômes entre le processus de la Kundalini et la psychose.

Dans des études antérieures, il est arrivé à la conclusion qu'une psychose peut apparaître par suite d'une expérience relative à la Kundalini, où la réaction a été négative, ou bien à cause d’une pression sociale, ou bien à la suite d'un conditionnement personnel antérieur. Or, les études qui ont été réalisées permettraient de faire la distinction entre une simple psychose et une psychose résultant d'un éveil spirituel.

Ceux qui ont vécu l'expérience de l'éveil spirituel se reconnaissent mutuellement. Ils sont souvent plus objectifs au sujet de leurs expériences que les gens qui n'ont subi qu'une simple psychose.
De plus, il existe des expériences qui ne sont propres qu'à ceux qui ont vécu l’éveil de la Kundalini : sensations de chaleur dans le corps, vibrations, sensations de fourmillements ou de démangeaisons sur le corps entier, éblouissements, douleurs, surtout à la tête, mode de respiration étranges, mouvements corporels spontanés et audition de sifflements et de murmures. L'expérience de l'éveil de la Kundalini peut finalement conduire à une meilleure réaction au stress, à la sérénité, à des relations plus saines et même à l'éveil de pouvoirs particulier, soit de dons paranormaux, soit de dons de guérison. Mais, à l'origine, l'expérience peut être écrasante et complètement déséquilibrante.

Plus on oppose de résistance au processus qui se développe, plus de douleurs et de problèmes surgiront. Le lâcher prise lors du processus est donc indispensable et la compréhension de l'entourage permettra d'accepter ce qui arrive. Les gens sensibles devront supporter plus d'effets dérangeants. Ces gens-là arrêtent alors leurs techniques de yoga ou de méditation, connues pour accélérer le processus. Les plus grands problèmes que rencontre ceux qui vivent un éveil de la Kundalini sont l'incompréhension et l'ignorance du phénomène par l'Occident. Lorsque la position à l'encontre de la transe, de l'expérience mystique et de l'éveil de la Kundalini, changera en Occident, non seulement les gens qui ont connu de telles expériences pourront en profiter pleinement, mais tout le monde y trouvera un bénéfice. Pour l'instant, le fait, de subir pareilles expériences, conduit à l'isolement, au retrait de la société, par crainte d'être considéré comme fou, d'aboutir dans un hôpital psychiatrique et de faire l'objet d'un diagnostic stigmatisant. Le fait est qu'alors le processus de renaissance, de développement personnel et spirituel est complètement ignoré. Le processus d'éveil de la Kundalini est finalement une sorte de thérapie de l'intérieur, plus puissante que toute autre forme de thérapie. Un bon accompagnement de la part de ceux qui (re) connaissent le processus et lui rendent sa valeur positive est indispensable.


                          "Du danger de la kundalini, la fin d’un mythe, le début de la vie."

Revenons plus précisément sur les différentes formes d’expression que peut emprunter la kundalini.

Nous avions présenté la kundalini non pas comme un type de force en particulier mais comme un processus que peut emprunter l’énergie. Et selon ce qu’est cette énergie les résultats peuvent être tout à fait différents.

Quels dangers y a t il à développer la kundalini ! Sachons d’abord de quelle kundalini nous parlons, car elles sont de trois types :

- Celles manifestant les forces inférieures ou astrales éveillant l’esprit à la magie, la sorcellerie, ou l’occultisme.

- Celles manifestant les divinités supérieures de la conscience, éveillant l’esprit à la puissance, laissant le pouvoir du serpent dévorer l’identité. Et que ces divinités soient tantriques, égyptiennes, aztèques ou autres ne change rien à l’affaire,

- Et celles manifestant les forces divines ou forces créatrices éveillant l’âme à sa propre existence et au Créateur.

Du danger des premières est la perte de la conscience et la perte de soi dans des sphères que l’esprit ne saura gérer, pouvant entraîner dans les cas extrêmes folie et suicide. Ou bien le développement hypertrophique de l’ego par la mise à disposition de pouvoirs servant l’individu et les entités associées entraînant manipulation, mensonge, mégalomanie, déviation sexuelle etc.… Ce type de kundalini se rencontre beaucoup dans les sociétés anciennes ou animiques empruntes de rituels magiques ou autres liés aux forces de la nature vitale inférieure. Les forces qui en résultent ont dominé l’humanité bien avant l’apparition de l’âme et de la nature divine dans l’homme.

Du danger des secondes est l’étouffement de l’âme au profit du développement de l’esprit par la prise en possession des dieux qui se nourriront de la personnalité et de l’ego pour asseoir leurs pouvoirs à travers par exemple un prêtre, un religieux, un dévot, un gourou, un disciple, ou tout individu qui aura choisi de s’abandonner à ces forces. Jusqu’à ce que l’individu, ayant disparu, n’incarne plus que les forces et leurs dieux tenant le vital et la conscience par la béatitude et le pouvoir. On rencontre encore beaucoup à l’heure actuelle de telles puissances qui prennent le visage de la spiritualité et ont su se répandre sur la planète.

Du danger des troisièmes est la déstructurations de nos cristallisations, la perte de nos croyances, la confrontation à la réalité de la vie et de soi qui, dépouillé de son illusion, oblige à avancer sans cesse vers plus de vérité, de sagesse, de liberté et d’éternité dans une confrontation permanente à ce qui constitue son antithèse, la présence des pouvoirs inférieurs. Mais il n’y a pas plus de danger à vivre cette confrontation qu’à ne pas la vivre, car nous sommes déjà mortels, maladifs, ignorant, et cette confrontation n’est que l’émergence, la percée, l’échappée hors de cette obscurité. Si la Kundalini nous déstabilise alors, c’est que nous étions déjà instables. Sans elle, cette instabilité se serait révélée autrement, au travers d’une maladie, d’une psychose, ou autre. La faute n’en incombe pas à la Kundalini mais à notre nature. Elle n’agit que comme révélatrice de notre réalité, décuplant notre nature joyeuse ou notre nature dépressive selon le cas. Mais aucune fatalité en cela.

Les deux premiers types de kundalini sont commandés par le pouvoir du serpent, à la fois symbole et réalité inhérente à ces forces. L’esprit Divin commande au troisième type et nous ne parlerons plus dans ce qui suit que de celui-ci, les deux premiers types ne présentant guère d’intérêt spirituellement parlant.

« Il n’y a pas plus de danger à travailler la Kundalini qu’à ne pas la travailler » Affirmer cela va à contresens des idées reçues, de la superstition et de l’ignorance régnant sur le sujet.

Lorsque l’on entend ce mot : « Kundalini », il résonne souvent magiquement de l’envie et de la crainte de la merveille inaccessible et effrayante, comme une sorte de mythe. Mais au-delà du mythe et de la superstition se trouve le début de la vie, la réalité d’un phénomène qui porte en lui-même l’essence de la création et de sa composante dans l’homme. A moins que l’amour habite notre vie, ne pas travailler la Kundalini à son développement ou ne pas développer toute autre forme de force créatrice ou divine, qu’elle soit de source Christique, Bouddhique, Supramentale ou autre est, certes, un suicide, une mort de l’âme, car l’on se prive de ce qui fera la nourriture de cette âme et favorisera sa croissance. A travailler et développer la Kundalini, on prendra un grand risque, certes, qui est celui de modifier nos structures cristallisées, structures de fixation, éclatement de ce qui constitue nos attaches illusoires à une vie qui n’est le plus souvent que recherche de sécurité et de plaisance. Non pas que cela soit condamnable, mais il ne peut y avoir de sécurité et de plaisir absolu sans une part de la vie spirituelle dans notre vie temporelle, et, précisément, nous en avons peur, de peur de perdre nos attaches qui sont d’abord attaches à soi-même et nos structures. Alors, face au vide de l’ignorance, l’esprit se remplit de croyances et de superstitions, et certains même, interprétant le bruit qui court, lui donne vie et l’érige en dogme.

Physiquement, quels sont les risques à développer une Kundalini de nature divine ?
Aucun, si cela est fait correctement et si certaines règles de base sont respectées qui sont des règles d’hygiène physique et morale. Notre culture occidentale nous a déjà inculqué la plupart de ces règles d’hygiène et cela fait partie de la vie de la plupart des individus, et sauf exception pour le cas de toxicomanie, dérèglement mental ou dépression extrême, corps affaibli par une maladie grave, amoralité excessive ou autre situation exceptionnelle, tout le monde peut développer une Kundalini de manière supportable, souvent agréable sans que cela ait des conséquences déstabilisantes sur l’individu.

Vingt années d’enseignement dans ce domaine viennent confirmer ces dires. Mais que l’on ne joue pas avec le feu. Une pureté d’intention est nécessaire. Celui qui recherchera consciemment à travers cela le pouvoir, la notoriété, la compétition ou toute autre forme malvenue sera vite confronté à ses déformations engendrant alors un conflit intérieur duquel l’une ou l’autre partie sortira victorieuse, la force créatrice propulsant alors l’individu vers une remise en question, ou la force de l’ego éteignant parfois définitivement l’émergence de la vie. Mieux vaut alors ne pas commencer le travail que de le commencer dans de mauvaises conditions.

Le développement de la Kundalini est une œuvre sacrée, et comme toute œuvre sacrée elle nécessite l’approche adéquate. Mais rien de bien dangereux dans tout cela, pas plus dangereux que ce qu’est la vie elle-même et ce que nous y avons construit car la vie est un balancement permanent entre la sollicitation vers la créativité par la poussée de l’évolution, et la force du chaos s’y opposant plus par résistance et ignorance que par intention pure. Faire naître la Kundalini au sein de cette balance est faire pencher le plateau du coté de l’évolution, non pas parce que le poids de l’obscurité disparaîtra mais parce que celui de la lumière augmentera, propulsant alors l’individu vers une évolution accélérée. Ne pas entreprendre cette œuvre, ou toute autre œuvre évolutive, c’est assurément laisser le poids de l’obscurité nous rattraper, car nous sommes mortels par nature, et le potentiel de vie reçu à notre naissance n’est renouvelable qu’en de rares exceptions.

Notre peur n’est donc que celle existante déjà face à notre vie, car que savons-nous de l’inconnu, peut-on avoir peur de ce dont nous ignorons, si ce n’est par projection de ce que nous connaissons ? La peur étant par nature un phénomène contagieux, nous pouvons observer avec quelle facilité nous pouvons perpétuer celle-ci. Ainsi, pour beaucoup, la Kundalini est devenue par ce fait un symbole d’angoisse. Il est dommage de constater à quel point un phénomène de la vie, sensé entre autre, nous apporter les réponses à notre condition traumatique puisse devenir exactement son contraire, l’objet même de nos peurs.

Indépendamment du fait que la Kundalini puisse s’éveiller chez tout être humain, naturellement et sans condition particulière, qu’est-ce qui fait que le yoga puisse particulièrement favoriser le phénomène ou être utilisé pour cela ? En fait, il suffirait que l’individu soit, ne serait-ce qu’un instant, totalement aligné sur la fréquence de son être pour que cela puisse se produire. Nous avons déjà parlé de cela dans un article précédent. Créer cet alignement n’est pas chose difficile si nous savons nous y prendre. Le hatha yoga favorise l’équilibre des forces physiques, les pranayamas celles du corps d’énergie et la méditation l’apaisement du corps subtil.

Respectivement ces trois aspects du yoga, menés adéquatement suffisent à eux seul à créer les conditions de cet alignement. L’Etre peut alors intervenir et appeler sa composante inverse, la Kundalini enracinée dans le corps, car plus rien alors ne le sépare d’elle. Son éveil est alors spontané, puissant et complet. Mais tout ceci peut aussi se réaliser progressivement par une approche plus extérieure et un développement progressif de l’énergie. Dans un cas comme dans l’autre, nul risque particulier si ce ne sont ceux déjà cités, et même là le résultat final ne pourra être qu’un mieux de ce qui aurait de toute manière été sans.

Jean-Michel Jutge