mardi 17 avril 2012

"LA COMPLEXITE DE L'INCONSCIENT"


Le terme inconscient a été dans la culture contemporaine, et surtout en France plus qu’ailleurs, associé avec la psychanalyse freudienne. Il en résulte une habitude mentale de fait qui consiste à se représenter l’inconscient en y voyant seulement ce que Freud y a lui-même cherché, c’est-à-dire un lieu de conflit psychique où s’affrontent les puissance du refoulement. L’inconscient est assimilé dans la culture contemporaine à une animalité primitive présente en l’homme, une sorte de noeud de vipères où se convulsent des instincts censuré. Les caricatures littéraires et cinématographiques renforcent cette image, en montant l’homme comme divisé entre une personnalité consciente et une personnalité inconsciente et elles contribuent encore à en renforcer la peur diffuse de ce monstre que serait l’inconscient.

Mais l’inconscient se réduit-il à l’interprétation qu’en donne Freud ? Peut être n'a-t-il découvert que les bas-fond du subconscient. Sous le terme d’inconscient on peut ranger des  phénomènes très différents les uns des autres. Il est assez significatif de remarquer que les disciples de Freud ont été au-delà du pansexualisme du maître. Tout donne à penser que Freud est seulement un pionnier et qu’il n’a fait qu’ébaucher une lecture de la psyché humaine. Il faut donc examiner en quel sens l’inconscient peut comporter plusieurs aspects. N’est-il pas plus complexe que le donne à penser l’interprétation en cours ? L’apport des successeurs de Freud ne dément-il pas justement les réductions qui en ont été faite par Freud lui-même? N’y a-t-il pas, non pas un, mais plusieurs inconscients, ou plusieurs aspects de l’inconscient ?

A. Inconscient et  pathologie

1) Freud a pris pour point de départ de sa théorie de l’inconscient l’analyse de la pathologie, dans l’étude de l’hystérie. Il ne faut jamais perdre de vue que la psychanalyse freudienne est davantage une psychopathologie qu’une psychologie générale. Ce serait notamment une manière de distinguer Freud de son dauphin présumé, Carl Gustav Jung. L’interprétation que la psychanalyse freudienne propose de l’inconscient est orientée par l’analyse de la pathologie et elle accrédite l’idée que l’inconscient est pathologique.

 La formation de psychiatre de Freud l’a fait rencontrer les travaux de Charcot et Janet sur l’hystérie. L’hystérie est une maladie mentale complexe, qui se manifeste par divers symptômes tels l’amnésie, l’aboulie, les contractures, les convulsions, les crises de nerfs. Un des premiers à étudier ces phénomènes à la Salpetrière fut Charcot qui parvint à la conclusion que les symptômes avaient une origine psychique. L’hystérique semble en proie à des idées fixes subconscientes. L’utilisation naissante de l’hypnose permit de montrer qu’il était possible de remonter dans la mémoire du malade, vers la cause de ses troubles. Dans un état apparenté au sommeil, le malade peut en effet en dire plus qu’il n’en dit dans la veille, l’hypnose levant ainsi le voile de la censure. Plus important, on peut dans l’état hypnotique, créer des suggestions inconscientes pour contrecarrer les tendances inconscientes. Il est possible de suggérer au malade qui soufre de claustrophobie qu’à son réveil, il se sentira beaucoup mieux, qu’il ne sentira plus sa peur habituelle d’être enfermé. Et cela marche, l’esprit obéit un temps à la suggestion. Il y a des résultats, mais qui ne sont pas hélas pas durables. Freud s’en est rendu compte et il a abandonné la pratique de l’hypnose pour opérer à un niveau plus conscient et c’est ce qui l’a conduit à élaborer la méthode des associations libres.

 Freud reconnaît envers Charcot une dette immense, dans ses lettres il dit que c’est l’homme qui a le plus influencé sa conception de l’inconscient. En effet, devant les faits mis en avant par Charcot, on ne peut qu’être conduit à penser que c’est le malade qui se suggestionne lui-même inconsciemment. L’idée fixe (phobie, homicide, du suicide etc.) est comme un conditionnement que le sujet porte en lui, dont il ne peut pas se défaire et qu’il exécute mécaniquement, de manière compulsive. Une tendance est là, qui conserve une dynamique et vient perturber, ou pire s’emparer de la conscience, engendrant la répétition du modèle ancien et l’acte manqué. L’acte manqué devenu situation permanente, devient une forme de névrose. Qu’il y ait ainsi des tendances qui semblent travailler à part de la conscience était pour Freud une preuve qui justifiait amplement l’hypothèse de l’inconscient.

Par inconscient pathologique nous désignons l’inconscient en tant qu’il porte la trace d’un passé traumatique et qu’il abrite en lui des conflits psychiques. C’est une définition classique de l’inconscient dans la psychanalyse freudienne. Cependant, la définition doit être précisée. En effet, l’inconscient est-il par nature conflictuel, ou bien abrite des conflits liés à l’histoire personnelle du sujet ?

La position de Freud n’est pas claire, pour ne pas dire qu’elle est franchement obscure. Faut-il accréditer l’idée populaire selon laquelle l’inconscient ce serait la bête tapie en chacun de nous ou bien s’en défaire ? Dans la névrose, l’inconscient grouille de tensions extrêmes, il est travaillé par des nœuds psychiques liés à des conflits psychiques irrésolus. Les chemins de l’analyse de la maladie mentale croisent constamment la notion d’inconscient. Le fou est dit aliéné. Il est devenu autre. Comme un gant la conscience s’est retournée et c’est l’inconscient qui est remonté, refoulant le conscient. Dans la folie, le sujet s’est perdu en tant que conscience et ne parvient plus à être soi. Par névrose on désigne cet état d’altération du rapport au réel dans lequel la vie relève plus de l’acte manqué que de l’acte réussi. Cet autre est-ce un autre moi ou une partie du moi ?

Dans la première topique de Freud, la coupure entre le moi et l’inconscient n’est pas franche. Freud admet que le moi ignore une partie de lui-même qui est l’inconscient, il intime le conseil au moi de rentrer lui-même, de se connaître, pour voir comment il va tomber malade ou peut être éviter de le devenir. Mais Freud peu à peu invente des abstractions et les chosifie : il invente le ça et le surmoi, la pulsion de vie, Eros, et la pulsion de mort, Thanatos.  La fragmentation du psychisme en instance séparées du moi, du Ça, du surmoi  conduit à penser que la vie psychique n’est qu’une lutte stérile d’un malade coincé dans des contradictions insolubles, obligé qu’il est de se concilier l’avis de tyrans invisibles. La censure devient un « autre », un fantôme menaçant et vengeur, pointant sur l’ego un doigt accusateur, le surmoi. Les pulsions deviennent un « autre », une sorte de monstre le ça  – le nœud de vipères où se convulsent des instincts censuré. Le ça, singe de l’homme n’attend que la satisfaction sexuelle du principe du plaisir. Le monde extérieur devient lui aussi un « autre » face au moi, une réalité extérieure dangereuse, qui impose le principe de réalité.

Bref, du fond de l’angoisse, le névrosé saisi de terreur, se voit entouré d’ennemis potentiels : les entités abstraites que Freud érige en réalité séparées sont devenues des entités réelles. « Le pauvre moi… sert trois maîtres sévères, il s’efforce de concilier leurs revendications et leurs exigences. Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça. Quand on suit les efforts du moi pour les satisfaire tous en même temps, on ne regrette plus d’avoir personnifié ce moi[1] ». Mais en fait, ce qui est étrange ici, c’est l’inverse. Que le moi soit personnifié, cela ne nous surprend pas, mais par contre, ce qui est vraiment surprenant c’est la manière dont Freud personnalise les instances psychiques du ça et du surmoi. Tout se passe comme si la représentation névrotique recevait alors de la psychanalyse une caution scientifique, si bien qu’au bout du compte elle devient une norme.

Il est par ailleurs assez étrange que Freud d’ailleurs ait laissé ouvertement entendre que la guérison n’était pas vraiment son objectif. Il n’est même plus question chez Freud de guérison possible[2]. On ne sort pas de la névrose parce que la vie est névrotique parce que l’inconscient est névrotique, parce que l’inconscient est par nature conflictuel et que la vie a son siège dans l’inconscient. La guérison n’a plus qu’un sens : accepter d’être névrosé, ou plutôt se résigner à l’idée que la vie est névrotique.

Et c’est là que la critique d’Alain prend toute sa valeur. « Il y a de la difficulté sur le terme d’inconscient. Le principal est de comprendre comment la psychologie a imaginé ce personnage mythologique[3] ». « Le freudisme, si fameux, est un art d’inventer en chaque homme un animal redoutable, d’après des signes tout à fait ordinaires, les rêves sont de tels signes ». Freud quoi qu’il en dise par ailleurs, personnifie l’inconscient, fait d’une abstraction une entité. Et cette entité est l’animal en l’homme. Alain répond donc que l’inconscient n’est pas un autre moi. Il est essentiel de ne pas fragmenter les instances de esprit et de ne pas se laisser prendre à des appellations mythiques. Le point de vue d’Alain est le point de vue d’une psychologie¸ pas celui d’une psychopathologie.

2) La pathologie mentale peut parfaitement être abordée sous des angles très différents de celui de l’interprétation de l’inconscient dans le cadre la théorie freudienne. Freud n’a jamais pensé d’ailleurs que l’hystérie, qui lui servait de modèle, puisse n’être qu’une maladie occidentale. Il généralise ses traits dans sa théorie de l’inconscient. Les différentes formes de psychanalyse apparues après Freud admettent l’hypothèse de l’inconscient, mais en proposent des interprétations différentes, des interprétations qui conduisent aussi à de nouvelles thérapeutiques.

Un seul exemple pour l’instant : la thématique que poursuit par exemple  Alfred Adler, un disciple qui a rompu avec Freud, est centrée sur le jeu de la volonté de puissance dont l’individu conscient est l’enjeu. L’ego lutte fiévreusement pour sa reconnaissance et semble le plus souvent motivé par le souci de se faire-valoir. C’est ce qui nous pousse à l’ambition, à l’effort, à la conquête, c’est ce qui donne la fierté et le sourire condescendant de l’arriviste. La volonté de puissance doit pourtant s’accommoder de la nature dont chacun est doté et des résistances qu’elle rencontre. Un individu qui est petit peut en souffrir parce que cela ne cadre pas avec l’image qu’il voudrait se donne de lui-même. Il devra affronter le complexe qu’il a lui-même posé. Il aura tendance dans ses actes et son comportement à surcompenser son sentiment de déficience, par une autorité tyrannique, une mégalomanie ou des fantasmes de grandeur. Ses rêves seront le reflet de cette activité de compensation. S’il n’y parvient pas, la volonté de puissance risque de se renverser en volonté d’impuissance, en négation de soi. Dans ce jeu du rapport à soi, la sexualité n’est qu’un instrument parmi d’autres. Elle est elle-même dominée par le travail de compensation. D’où les critiques d’Adler contre Freud. Le rêve, par exemple doit être vu en rapport avec un projet, un futur, plutôt que d’être ramené à un passé.

Ce que Adler pressent, c’est que la construction personnelle est liée à un équilibre fragile que l’ego établit grâce à l’image qu’il a de lui-même. Les souffrances intérieures sont autant d’auto-accusations, un martyr de l’ego. Chacun doit gérer en lui le pouvoir, le besoin de dominer et ce que ce besoin engendre comme déceptions et frustrations. Il est clair par exemple que le champ des relations personnelles met directement en jeu le désir de reconnaissance et à sa suite la volonté de puissance. Le souci de se faire valoir, d’être reconnu peut dans cet optique jouer un rôle plus fondamental que le seul motif de la sexualité, qui n’est qu’un instrument de la volonté de puissance.

La sexualité n’est qu’une composante d’un système bien plus complexe. Ce que Adler démontre, c’est que la névrose résulte d’un rapport à soi en déséquilibre, résultant d’une image de soi négative. Le complexe permet de comprendre l’organisation irrationnelle des comportements et la souffrance du malade. Il est plus important d’affronter directement les problèmes dans l’actuel,plutôt que de se perdre dans la rumination d’un passé plus ou moins mythique ou inventé par le psychanalyste.

3) Pourtant, l’orientation de la psychiatrie contemporaine s’est faire résolument dans la direction d’une neuropsychiatrie, qui tourne le dos aux interprétations psychologiques, ou bien en n’en tenant pour ainsi dire pas compte dans la pratique. L’usage des anti-dépresseurs, des anxiolytiques etc. conforte l’idée que les soi-disant problèmes liés à l’inconscient peuvent être ramenés à des troubles du cerveau, à des déficiences dans la production d’hormones. Ils sont soulagés par l’administration d’une drogue qui semble ne pas être produite correctement par le cerveau et que l’on administre sous forme de composés chimiques. Dans la pratique la plus courante, le psychiatre laisse le soin de l’analyse au psychologue et s’en tient à la prescription de médicaments qui vont à l’encontre des symptômes manifestés par le sujet. De cette manière, la pathologie mentale est ramenée à des troubles, voire des lésions du cerveau et il devient inutile de disposer d’une doctrine de l’inconscient pour les soigner.

Ce qui nous ramène à un autre extrême. On ne règle pas un problème avec des pilules, pas plus que l’on ne peut donner le bonheur avec des euphorisants. C’est déjà beaucoup de pouvoir apporter un soulagement à une souffrance réelle et de permettre à une personne de vivre mieux.  Mais créer artificiellement un état mental « sain » ce n’est pas rétablir la santé, mais créer l’illusion de la santé, ce qui ne saurait durer, à moins que l’on considère normal le fait de maintenir sous drogue indéfiniment un sujet pour le rendre heureux – avec un arsenal de pilules du bonheur. L’approche psychologique des pathologie dans la théorie de l’inconscient a au moins le mérite d’ouvrir la voie de thérapies qui tentent de libérer consciemment le sujet de ses troubles, au lieu de chercher en quelque sorte à noyer le problème dans des calmants.

On ne peut pas faire abstraction des données de la biologie pour éclairer par des explications techniques des mécanismes à l’œuvre dans les troubles mentaux. Les phénomènes biologiques qui se déroulent dans le corps supposent une forme d’inconscient, celui de la vitalité que nous appelons le vital.  La biologie contemporaine, en progressant dans l’étude du cerveau, s’est aventurée sur le terrain consistant à chercher le soubassement des troubles psychiques pour montrer qu’il peut y avoir un lien entre un déséquilibre hormonal et un trouble mental, et que l’un ne va pas sans l’autre, en raison de la relation corps-esprit.

B. L’inconscient personnel

Peut-on parler d’inconscient sans présupposer une pathologie de l’inconscient ? Les plus proches disciples de Freud se sont écartés de lui en lui reprochant une interprétation trop réductrice de l’inconscient.  Comme l’a bien vu Freud, le moi est semblable à un iceberg dont seule la partie émergée serait connue au niveau conscient. La personnalité s’est sédimentée autour de l’expérience passée du sujet. L’inconscient est justement la trace du passé en nous mais ce n’est pas seulement un dépotoir où séjournent des contenus psychiques déplaisants pour le moi.

Ce sur quoi Carl Gustav Jung innove, par rapport à Freud, c’est qu’il montre le caractère singulier de l’histoire personnelle de chacun d’entre nous. Il y a de ce point de vue un passé personnel qui fait que les contenus inconscients sont très différents d’une personne à l’autre. Un des mérites de l’approche de la psychologie analytique de Jung est d’avoir été sensible à cette diversité individuelle. Un introverti ne vit pas un problème de la même façon qu’un extraverti.  La personne introvertie a tendance à se replier sur elle-même devant une difficulté. Elle est vulnérable à la formation des complexes, tels que les analyse Adler. Elle a tendance à fuir dans son intimité, à se renfermer. Elle a un sens aiguë de la pudeur. L’extraverti lui ne peut pas s’empêcher au contraire de verbaliser beaucoup ses problèmes et de les crier sur les toits. Il n’a pas le sens de la pudeur. Il fuit la difficulté dans le monde extérieur, il est influençable à l’égard de l’extériorité. Pour ce type de personnes, l’approche freudienne est souvent mieux indiquée. Le thérapeute ne doit pas plaquer sur l’individu des vues toutes faites, mais essayer de comprendre à qui il a affaire et quelle est la cause particulière de son trouble. Il doit voir la personne et son histoire personnelle. Il n’y a pas de clé universelle pour déchiffrer l’inconscient personnel, il y a la personne et son histoire.

Jung insiste sur le caractère unique de la personnalité. Par inconscient personnel  on peut désigner le passé résiduel, présent non seulement sous la forme de mémoire, mais surtout sous la forme de noeuds psychiques qui sont relatif à l’histoire personnelle de A ou de B et ne sont nullement interchangeables. Le moi possède un soubassement de tendances et des caractères qui le différentie nettement d’une autre moi. L’inconscient personnel provient des acquisitions de la vie personnelle et de ce qui a été oublié et refoulé. Il comporte un dynamisme psychique qui se présente sous forme de sensations subliminales qui n’ont pas franchi le seuil de la conscience.

Jung innove en regardant cet implicite personnel comme l’ombre de la vie consciente de l’ego. « « L’inconscient personnel correspond en grande partie à cette figure qui apparaît dans les rêves et que j’ai appelé l’ombre[4] ». L’ombre pour Jung n’est pas une sorte d’animalité brutale tapie en l’homme, elle est la voix de l’âme, de sorte que le rêve, tel que Jung le considère est un messager de l’âme. Le rêve est enseignement, parce qu’il est une voix qui s’élève des profondeurs de la personne en s’adressant au moi conscient. Dans L’Essai d’exploration de l’inconscient Jung raconte deux rêves de ses patients assez caractéristiques de ce point de vue.

Premier exemple :
« Une femme par exemple était réputée pour la stupidité de ses préjugés, et sa résistance obstinée à tout argument raisonnable. On aurait pu discuter avec elle une nuit entière sans résultat. Elle n’y aurait pas fait la moindre attention. Ses rêves toutefois, employaient un langage tout différent. Une nuit, elle rêva qu’elle assistait à une importante réunion mondaine. L’hôtesse l’accueillit en lui disant : ‘comme c’est gentil à vous d’être venue. Tous vos amis sont là et vous attendent’. Elle l’accompagnât ensuite jusqu’à la porte et l’ouvrit. La dame franchit le seuil et pénétra… dans une étable.
Ce langage onirique était assez simple pour être compris par l’esprit le plus obtus. La femme se refusa d’abord à admettre le sens d’un rêve qui l’atteignait si directement dans son amour-propre. Mais son message fut néanmoins compris, et après un certain temps, elle du l’accepter parce qu’elle ne pu s’empêcher de sentir la raillerie qu’elle s’était infligée à elle-même[5] ».
Il serait saugrenu d’introduire ici de force je ne sais quelle référence à la sexualité de la petite enfance pour forcer l’interprétation. Le rêve est bien plus direct et bien plus éloquent. Il renvoie à l’ego l’image de sa stupidité en la représentant par une étable. Il se moque de l’ego et de sa formation stupide et rigide. C’est un peu comme si la voix de l’âme interpellait l’ego pour lui renvoyer une image dans un miroir. L’ego ne voit que lui-même, sous couvert d’amour-propre. Il ne voit pas ses angles morts, il ne voit pas son ombre. L’âme parle pourtant dans la manifestation onirique et présente l’ombre et cette confrontation est essentielle. Jung en fera l’objet d’un livre important La dialectique du moi et de l’inconscient.

Second exemple :
« Je me souviens d’un homme qui était inextricablement empêtré dans toute une série d’affaires louches. Il conçut une passion presque morbide pour les formes les plus dangereuses d’alpinisme, comme une sorte de compensation. Il cherchait à ‘se dépasser lui-même’. Dans un  rêve une nuit, il se vit dépassant le somment d’une haute montagne et mettant le pied dans le vide. Quand il me racontât son rêve, je vis aussitôt le danger qu’il courait et j’essayais de donner encore plus de poids à la mise en garde pour le convaincre de se modérer. J’allais même jusqu’à lui dire que son rêve présageait sa mort dans un accident de montagne. En vain. Six mois plus tard, il ‘mit le pied dans le vide’… il lâcha la corde, selon les propres termes du guide, ‘comme s’il sautait dans le vide’. Il tombât sur son ami, l’entraînant dans sa chute et tous deux furent tués[6] ».
Le rêve représente l’intention de se tuer de manière très claire. C’est à l’ego qu’il revient de regarder en face cette intention pour la défaire. Le sujet refuse la lucidité et préfère se maintenir dans la fuite. Il réalise le destin qu’il s’était lui-même écrit et que l’âme en lui, lui avait pourtant annoncé. « L’alpiniste cherchait inconsciemment à trouver une issue définitive à ses difficultés[7] ».

C’était très nettement un rêve d’enseignement. Comme pour le cas précédent, aller requérir ici de la libido, du complexe d’Œdipe,  une lutte de l’Eros et du Thanatos, serait s’éloigner du sens propre du rêve, ce serait mal comprendre ce que comporte l’inconscient personnel. La grille d’interprétation d’un tel rêve est à chercher dans la personne qui rêve et pas ailleurs, et l’interprétation se doit de faire un lien entre la situation présente et l’histoire personnelle du sujet. On comprend pourquoi Jung refuse la position du divan de Freud. Trop flou, vague, soupçonneux, indirect. Il oriente la thérapie dans un dialogue direct du patient avec le psychanalyste qui n’est là que pour permettre à la compréhension de se faire jour.

Le divan de Freud, est une position faussée. Le regard en biais de l’analyste évite toute rencontre personnelle. Il laisse libre court aux supputations théoriques. Le choix des associations libre risque de prolonger les divagations et finir par conduire le sujet à simplement adhérer à une interprétation imposée par le psychanalyste ; interprétation d’ailleurs connue d’avance, puisqu’elle ramènera invariablement au complexe d’Œdipe.

Ce qui est remarquable chez Jung, c’est au contraire le soin de considérer chaque personne à part et de n’imposer aucun a priori théorique. Il s’agit d’écouter sans idée préconçue ce que la personne exprime, de dire ce qui est implicite afin d’engager la rencontre dialectique du moi et de l’inconscient. Jung refuse le dogmatisme théorique en matière d’interprétation de l’inconscient à la fois chez Freud et aussi chez Adler.  « La monotonie écrasante, postulée par de semblables théories, est contredite par la diversité individuelle qui, dans le domaine psychique atteint à l’infini[8] ». Jung explique que malheureusement, la diversité psychique ne va pas de soi : « les diversités psychiques n’éveillent pas en général l’intérêt… on les éprouve plutôt comme étant pénibles, à peine supportables ou même intolérables, fausses et condamnables. Un comportement qui diffère d’une manière manifeste de la norme générale et admise fait l’effet d’une perturbation apportée à l’ordre du monde[9] ».

Il est assez étonnant de constater que ce que Jung dit là, Lévi-Strauss en fait la même remarque au sujet de la diversité culturelle. La diversité culturelle de même fait problème, et ce problème pour enchaîner Lévi-Strauss et Jung, c’est celui qui se pose dans la rencontre d’autrui, « c'est-à-dire chaque fois que l’on découvre qu’un autre être est réellement autre[10] ».

La volonté de normaliser l’individu en l’adaptant au moule d’une société se retrouve dans l’ethnocentrisme, comme dans le dogmatisme théorique. Cette volonté a souvent été dénoncée. Elle pose de toute manière un problème de fond que Ronald Laing a bien vu : à quoi bon vouloir absolument adapter un individu, si c’est pour l’adapter à une société névrosée ! Ce qui est de toute manière, c’est la diversité des personnes, des comportements. La diversité est un fait et une loi de la Nature. La reconnaissance de l’inconscient personnel selon Jung, reconduit à la diversité individuelle, à l’histoire de cette personne, à une histoire qui n’est semblable à nulle autre, une histoire faite de difficultés, de drames, de problèmes ; mais qui doivent trouver leur résolution en elle-même. Ce que Jung a compris, c’est que le travail sur l’inconscient est un travail sur l’individu et un travail incontournable, tant que les problèmes sont là.

C. L’inconscient supra-personnel

Dans Totem et tabou, Freud proposait une hypothèse : la permanence des structures inconscientes dans les différentes cultures de l'humanité laisse supposer qu'il existe un plan d’inconscient supra-personnel, l’inconscient collectif.

1) Jung reprend cette hypothèse et la développe considérablement, au point d’ailleurs que son nom est invariablement associé à la théorie de l’inconscient collectif. Non seulement nous serions alors à bon droit de parler d'un inconscient personnel, par lequel la trace de notre passé perdure, mais c'est tout le passé de l’humanité qui est toujours présent en nous dans la mémoire de nos cellules. Pour Jung, nous naissons déjà nanti d’un inconscient collectif lié à la transmission de l’hérédité d'une génération à l'autre. L’inconscient, tel qu’il s’exprime dans le rêve, n’est pas seulement une production relative à l’histoire personnelle du sujet, il est aussi lié à une mémoire archaïque qui demeure en nous.

Au fond de notre mémoire dorment des figures ancestrales qui ont été déposé par l’expérience psychique de l’humanité qui nous a précédé. Ainsi, le loup-garou, les sorcières, les fées, les elfes etc. sont ce que Jung appelle les archétypes de l’inconscient collectif. Dans l’imaginaire collectif des mythes, les légendes, des contes traditionnels, on retrouve constamment ces archétypes. Pour Jung, ils ne résultent pas vraiment d’une acquisition, mais sont présents de manière innée dans l’inconscient, sur un plan supra-personnel. Ce sont des émanations primordiales de l’âme qui ressurgissent dans l’imaginaire.

Le point de départ de Jung a été, comme pour ce qui est de sa conception de l’inconscient personnel, pragmatique. Il est venu à l’hypothèse de l’inconscient collectif à la suite de l’étude de certains rêves « non freudien », dans lequel était mis en scène une symbolique qui débordait visiblement l’histoire personnelle de celui qui avait vécu le rêve.

Voici un exemple que Jung donne dans l’Essai d’exploration de l’inconscient : un psychiatre qui lui apporta un « petit carnet manuscrit que sa fille de dix ans lui avait donné comme cadeau de Noël. Il contenait toute une série de rêves qu’elle avait faits à l’âge de huit ans. C’était la série de rêve la plus étrange que j’ai jamais vue…Malgré leur allure enfantine ils avaient quelque chose de surnaturel et contenaient des images dont l’origine était totalement incompréhensible au père. Voici les motifs qui y figuraient :
1.            La bête malfaisante, un monstre à forme de serpent avec de multiples cornes qui tue et dévore les autres animaux. Mais Dieu survient des quatre coins, étant en fait quatre dieux, et fait renaître les animaux morts.
2.            Une montée aux cieux où l’on célèbre une fête avec des danses païennes. Et une descente en enfer ou les anges accomplissent de bonnes actions.
3.            Une horde de petits animaux effraie la petite fille, ils grandissent de manière effrayante et l’un d’entre eux finit par la dévorer.
4.            Une petite souris est envahie par des vers, des serpents des poissons et des êtres humains, et la souris devient humaine…
5.            Une goutte d’eau apparaît comme au microscope. L’enfant voit la goutte pleine de branches d’arbres[11] ».

Jung commente, en disant que la symbolique de ces rêves se retrouve dans bien des textes de mythes de l’humanité. Chaque histoire dans le texte allemand de l’enfant commence par « il était une fois », ce qui laisse entendre que l’enfant considère chacun des rêves comme un conte de fées. Le thème 1 se retrouve en Occident dans l’apokastasis dans les Evangiles dans le passage portant sur la restauration universelle. Or cette enfant n’a qu’une culture religieuse très limitée. La plupart de ces rêves d’ailleurs vont bien au-delà de la tradition chrétienne, sont nettement plus primitifs. Le thème 2 est très archaïque. Le serpent à corne apparaît dans l’alchimie latine du XVIème siècle, où il est question du quadricornis serpens symbole de Mercure[12]. Le thème 2 montre un « motif qui est indiscutablement non chrétien et contient un renversement des valeurs établies, par exemple, des danses païennes exécutées par les hommes au paradis, et de bonnes actions exécutée par les anges en enfer. Où l’enfant a-t-elle trouvé une notion aussi révolutionnaire, digne du génie de Nietzsche ?[13] ».
On trouve ainsi des éléments de mythe cosmogonique. Le thème 4 par exemple représente les quatre étapes de l’origine de l’humanité. Le thème 5 représente l’origine du monde. « Si ces rêves avaient été fait par un sorcier dans une tribu de primitif, on pourrait raisonnablement supposer qu’ils représentent des variations des thèmes philosophiques de la mort, des la résurrection ou du rétablissement final, sur l’origine du monde, la création de l’homme ou la relativité des valeurs[14] ». Mais ce n’est pas le cas. Ce sont les rêves d’une enfant de huit ans qui n’a que fort peu de culture. L’interprétation de ces rêves est extrêmement compliquée si on veut de force les ramener à un niveau personnel. « Ils contiennent indiscutablement des images collectives, analogues dans une certaine mesure aux doctrines enseignées aux jeunes gens, dans les tribus primitives, au moment de leur initiation ». Il ne s’agit pas pour autant de nier entièrement les éléments de l’inconscient personnel de la petite fille, simplement, ce que Jung veut montrer, c’est que les images oniriques sont tirées d’un arrière-fond qui va bien au-delà de l’inconscient personnel.

Jung donnait un conseil remarquable à ses disciples : documentez vous le plus possible sur les symboles, mais en face d’un personne qui vous raconte ses rêves commencez par tout oublier ! Il ne s’agit pas de forcer dogmatiquement dans l’interprétation l’un ou l’autre des points de vue, celui de l’inconscient personnel ou de l’inconscient collectif.

La théorie de l’inconscient collectif a au moins trois intérêts majeurs :
1) Elle nous montre que la séparation psychique entre l’individuel et le collectif est illusoire. Il serait vain de chercher à appliquer au psychisme la structure de l’ego individualiste, coupé des autres et coupé de l’humanité. Plus on descend dans l’inconscient, plus on s’éloigne de l’individuel pour rejoindre l’universel.
2) Elle tend aussi à montrer qu’il existe une mémoire archaïque du  vital, sur lequel le mental de l’homme est construit. Il semble que les études contemporaines de neuro­physiologie confirment largement les vues de Jung, tandis qu’elles infirment les hypo­thèses de Freud sur la sexualité.
3) La théorie de l’inconscient collectif permet de jeter un pont entre la psychologie et l’étude des mythologies.
La figure de l’archétype est assez obscure. Pour Jung, elle doit le rester parce qu’elle n’est pas une élaboration consciente. Mais que vaut en définitive le concept de « représentation inconsciente » ? Le rapport avec le vécu réel du
sujet n’est jamais clair. Jung voit bien cependant qu’il s’agit là parfois beaucoup plus d’entités que de simples images, des puissances qui sont en réalité des émanations de l’âme.
Il dit même : « Les archétypes …sont des forces vitales qui demandent à être prises au sérieux et qui prennent soin aussi, de la façon la plus bizarre, de se faire valoir[15] ».

Jung rapporte aussi des cas très nets dans lesquels l’archétype a pour le sujet une valeur de protection psychologique. Considérer les archétypes comme des émanations de l’âme a un intérêt pour mieux comprendre l’intériorité. Par exemple la féminité de l’âme est l’anima qui prend la forme de la figure de la Mère universelle, vient rassurer dans le rêve et jouer un rôle initiatique. L’animus est l’aspect masculin de l’âme qui donne des représentations de la virilité du héros vient aider le sujet à structurer l’expérience de veille. Ce qui reste à expliciter chez Jung, c’est la relation subtile entre les archétypes, l’intelligence et la Vie, au-delà de la référence à une base purement instinctuelle.

2) Cette relation, Jung l’a en partie ébauchée dans une autre théorie, moins connue que celle de l’inconscient collectif, mais tout aussi remarquable, la théorie de la synchronicité des événements. Toujours à la suite d’expériences concrètes, Jung a été amené à repenser la notion d’inconscient dans une direction originale : si en effet l’inconscient dans son fond est universel, il est aussi possible que par lui l’âme communique avec la Nature, que l’âme soit en son Fond en relation d’unité avec la Nature. Si les événements sont dans la Nature liés, il l’est possible qu’il existe à un niveau fondamental une non-séparation des événements. Si, dans l’expérience de veille, l’ego se sent coupé du reste de l’univers, (dualité), irrémédiablement séparé des autres et du monde, l’âme, elle, peut très bien demeurer en relation avec tout ce qui est et, (unité), être subtilement informé d’un événement qui surgit au sein de la Nature.

 Il existe une étude de la synchronicité par J.S. Bolen dans Le tao de la psychologie[16].

Jung a été conduit à cette hypothèse par toute une série de rêves, soit les siens propres, soit ceux qui lui était raconté par ses patients. J’en retiens un, l’histoire de ce banquier en voyage qui descend dans un hôtel et rêve la nuit qu’il va prendre l’ascenseur sur le palier et découvre alors que le liftier est un croque-mort et qu’il y a à l’intérieur un cercueil. Très impressionné par son rêve de la nuit, notre homme au matin décide de prendre l’escalier. Quelques secondes plus tard, l’ascenseur s’écroule en bas, après une chute vertigineuse. Si notre homme était monté, il était mort.
Ce genre d’histoire, nous l’avons plus ou moins déjà entendue autour de nous. Une amie m’a raconté que Mme A avait une nuit fait un cauchemar terrible : elle voyait sa fille tomber dans un avion en flamme. Impressionnée, elle lui téléphone en pleine nuit pour lui dire de ne pas prendre l’avion quelques jours plus tard, pour se rendre à une compétition de tennis. Peine perdue, la jeune fille n’écoute pas sa mère, prend l’avion… et l’avion a un accident et s’écrase. Ou bien ce grand père qui régulièrement rêvait de la mort de ses proches en les voyant descendre un escalier avec une valise. Le matin, il disait à sa femme : « tiens, il y a X qui est mort », et à chaque fois, la chose était confirmée. A un degré plus anodin, c’est le fait de savoir tout de suite avant de décrocher le téléphone qui a appelé, ou mille autres expériences du même genre que je nommerai des formes de résonance. Le mérite de Jung a été de ne pas jeter tout cela dans le grand sac du paranormal pour s’en débarrasser et d’essayer rationnellement d’en rendre compte à partir d’une théorie de l’inconscient.

 Nous avons déjà vu plus haut que le rêve, même personnel, n’est pas nécessairement tourné vers le passé, mais peu très bien porter une intention future du rêveur. Ici le problème est plus délicat, car il ne s’agit plus seulement d’une intention vers un futur, mais d’une ligne d’événement dans la Nature. Jung suppose que dans le sommeil, dans le rêve, les frontières individuelles sont dissoutes. Dans le sommeil, je suis le Tout, parce qu’il n’y a plus de « moi » qui se sépare du tout. La conscience d’unité est seule présente, sans la dualité de la veille.

Il est possible qu’alors la corrélation infinie des événements viennent résonner dans l’inconscient du rêveur pour donner lieu à une production onirique, soit pour informer le sujet en rêve sur ce qui a lieu pendant qu’il dort (le papi à la valise), soit pour donner une prémonition d’une direction possible du futur (le banquier et l’ascenseur). Le sujet qui sort du rêve revient dans la dualité de la veille, dans la séparation, mais si il a souvenir du rêve, il constate la résonance de l’unité de la Nature. Il est placé dans une compréhension de la Nature où le hasard est exclus, ou la coïncidence est une loi naturelle, parce que la Nature est une.

Ainsi, ce que l’on range, dans ce registre, dans la catégorie fumeuse du paranormal, deviendrait ici un phénomène naturel et il y aurait dans la théorie de l’inconscient une possibilité de rendre compte rationnellement de choses qui passent pour trop occultes d’ordinaire. C’est une différence d’attitude nette entre Freud et Jung. Freud détestait le paranormal, c’est une des raisons pour lesquelles il avait abandonné l’hypnose. Jung est un esprit très ouvert qui ne craint pas de s’aventurer dans ce que la représentation scientifique classique considère comme irrationnel. Il le fait en scientifique épris d’explication qui entend ne pas nier d’emblée des témoignages, même si cela pose des difficultés importantes. Il a souci de prendre au sérieux une expérience possible, mais assez peu courante il est vrai pour la plupart d’entre nous. Les vues de Jung intéressent beaucoup les physiciens chercheurs qui travaillaient sur la mécanique quantique. En effet, la mécanique quantique postule l’existence d’un champ unifié d’où émergerait les particules élémentaires et au sein du champ unifié, il semble nécessaire de postuler que la corrélation infinie des événements est présente. L’hypothèse qui émerge alors est que le champ unifié des physiciens et l’inconscient supra-personnel sont peut être deux manières de se représenter une seule et même réalité, la pure Intelligence qui est sous-jacente à toute phénoménalité.

L’inconscient est un concept fourre-tout, c’est en réalité un nom que l’on met sur des expériences, des structures disparates et complexes qu’il faudrait distinguer et nommer séparément. Ce qui s’impose, c’est que tous les phénomènes inconscients ne peuvent pas se réduire à une seule lecture (celle de Freud). La complexité du psychisme est telle qu’il y a place pour plusieurs interprétations. Il est tout de même étonnant que cette ouverture donnée par Jung à la psychanalyse n’ait pas reçu un accueil plus important auprès de l’université. Pourquoi mettre Freud dans la liste canonique des auteurs du programme de philosophie et pas Jung ? Jung a une culture philosophique autrement plus riche que celle de Freud et ses vues méritent d’être étudiée sérieusement. Il est aberrant que l’on réduise publiquement la notion d’inconscient à ce que Freud a pu en dire. Il est tout aussi aberrant de réduire la psychologie à la seule psychanalyse freudienne. A en croire les média et l’intelligentsia universitaire, on a trop souvent l’impression qu’en dehors de la psychanalyse freudienne, point de salut pour la psychologie. Au contraire dirons-nous : c’est quand on a enterré la dévotion à Freud que l’on découvre la grande richesse de la psychologie et en particulier, de la psychologie moderne.

Enfin, ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est que le terrain sur lequel le psychologue opère reste celui de la conscience. Jung le dit clairement : «  La psychologie n’est pas une magie noire, c’est une science : celle de la conscience et de ses données, elle est aussi la science de l’inconscient, mais en second lieu seulement, car l’inconscient, n’est pas directement accessible, précisément parce qu’il est inconscient[17] ».


[1] Freud Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard p.108.
[2] cf. Van Rialler témoignage d’un ancien psychanalyste revenu du freudisme. 
[3] Alain Eléments de philosophie, p.155.
[4] C.G. Jung  Psychologie de l’inconscient, p.124.
[5] Essais d’exploration de l’inconscient, p. 74.
[6] Id. p.76.
[7] p.77.
[8] L’homme à la découverte de son âme, p.58.
[9] p.58.
[10] Id. p.58.
[11] Essais d’exploration de l’inconscient, p. 119-120.
[12] Id p.125.
[13] Id p. 125.
[14] Id. 126.
[15] Jung, Kerenyi Introduction à l’essence de la mythologie, p.127.
[16] J.S. Bolen Le tao de la psychologie, .
[17] L’homme à la découverte de son âme, p.85.


Serge Carfantan

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